Historique

Les Prix Töpffer de la bande dessinée sont remis depuis 1997 à Genève, en hommage au Genevois Rodolphe Töpffer, considéré comme l’inventeur du 9e art. Découvrez ci-dessous la liste des lauréat·e·s historiques!

Cérémonie des Prix Töpffer 2024

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Grand Prix Töpffer

Winshluss

Vincent Paronnaud, Winshluss donc, est né le jour de l’an 1970 au bord de l’Atlantique; le port de La Rochelle pour être précis. Un peu jeune sans doute pour avoir vécu la déflagration punk du rock (mais sait-on jamais), on relèvera tout de même que l’année de sa naissance est marquée – c’est un signe – par une première: le duo Suicide (USA) encore sous le choc des concerts sanglants d’Iggy Pop (The Stooges) réalise une performance inédite proposant d’écouter de la «punk music». On se plait à croire qu’il n’en fallait pas plus pour que le petit Paronnaud soit porté sur les fonts baptismaux du no future et de la désespérance. L’homme y est resté fidèle en tout cas dans les formes très variées de sa créativité: bande dessinée, mais aussi cinéma, musique, arts plastiques.

Winshluss, c’est effectivement un univers multiforme référencé et autoréférencé qui fait un doigt d’honneur à la morale, au consumérisme volontiers symbolisé par Ikea, à la religion chrétienne… avec une bonne dose d’humour macabre et cynique. Petite précision: un art «dark mais coloré» pour reprendre les mots de l’artiste, car même dans les pires moments, on va se marrer, c’est certain, à la manière des magazines Mad ou Hara Kiri.

On ne s’étonne donc pas de trouver au cœur des créations de Winshluss, des contes supposés pour enfants, envisagés dans leur version édulcorée et désuète style Walt Disney et revisités (on se plongera dans son monumental Pinocchio), pervertis, contaminés dirait Winshluss par le poison du monde dont l’artiste ne cesse de penser sa fin prochaine, souvent radioactive. Détournements, pastiches féroces et sans merci, les dessins de Winshluss épousent ce besoin de dynamiter les genres établis, le retour aux thèmes de l’enfance permettant de passer par le ludique pour supporter les affres d’une terre sur laquelle «les âmes damnées subissent les tourments les plus horribles pour l’éternité» comme prendre le métro aux heures de pointe, discuter politique avec un mec de droite ou saisir tout à coup l’absurdité de l’existence (In God we trust). Interroger l’humanité, encore et toujours.

Mais brisons là. Un fait est certain : Winshluss, conscient de la fragilité des êtres, des ambiguïtés de la vie, ne donne pas de leçon. Expérimentateur né, réfractaire aux écoles, fidèle à ses amitiés et qui sait qu’un éditeur qui le suit même quand ça ne marche pas (référence explicite à l’équipe des Requins marteaux), c’est essentiel, tel est aussi Winshluss devenu père.

Winshluss, c’est celui qui raconte des histoires en bande dessinée d’abord, mais qui est capable de se plonger dans l’animation ou le cinéma selon un rythme temporel et un plan financier qui n’ont rien à voir avec le monde du dessin. Une longue gestation et un investissement personnel exigeant donnent alors naissance à des œuvres singulières, reflets d’un engagement et d’une authenticité qui ne trompent pas. Qu’on se souvienne de Persepolis, co-réalisé avec une autre grande figure de la bande dessinée - Marjane Satrapi – œuvre primée à Cannes, puis aux César, et nommée aux Oscars! Mais Winshluss demeure étranger aux paillettes et s’angoisse à monter les marches du palais. Aux contacts mondains, il préfère la marge et livrer au public ses œuvres à distance. Ni plus ni moins.

L’œuvre de Paronnaud alias Winshluss

Vincent Paronnaud est tout à la fois dessinateur, plasticien, musicien avec son groupe rock Brutuss64, (co)-réalisateur de 5 courts métrages et 5 longs métrages entre 2004 et 2023. Dans le monde du cinéma, il est aussi bien auteur, adaptateur, scénariste, dialoguiste, monteur, décorateur… Il a exposé au Musée des arts décoratifs et travaille régulièrement avec la galerie Vallois à Paris. En 2017, il expose à la Villa Bernasconi (Grand-Lancy).

Est-ce que Töpffer, c'est une figure que vous connaissiez déjà avant de recevoir ce prix?

Je connaissais oui, parce que c'est une image forte, un peu comme Little Nemo.

Parlez-nous du visuel que vous avez dessiné pour l’affiche 2024 des prix Töpffer de la bande dessinée…

Il y a la statue de Töpffer pour le côté historique puisque selon Wikipédia il est l’inventeur de la bande dessinée. Je me suis représenté en explorateur qui regarde vers le futur, la nouvelle génération. Dans mon travail, chaque projet est différent graphiquement, que ce soit en bande dessinée ou au cinéma. Je suis un aventurier de la bande dessinée au sens où tout ce qui m'intéresse, c'est d'aller vers des zones inconnues, pour moi en tout cas. J’ai situé ces deux personnages dans une sorte de nature qui reprend ses droits sur l’humain.

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Winshluss, affiche du Prix Töpffer

Vous explorez un monde très vert sur cette affiche. Comment voyez-vous notre monde d’aujourd’hui? Est-ce qu'il est si vert que ça? Quels sont les problèmes qui pourraient vous préoccuper en ce moment?

Le monde a toujours été pareil. Sauf qu’il y a un phénomène d'accélération. C'est pour ça qu'on a l'impression d'être oppressé et que le monde est en train de s'écrouler. C'est tout simplement parce que tout va plus vite. On n’a plus le temps de s'arrêter pour contempler le désastre, c'est désastre sur désastre. Cette accumulation nous donne l'impression d'étouffer. On est dans un climat anxiogène provoqué par l'Homme, submergé par ce qu'on a créé. Évidemment, je suis comme tout le monde, je suis perplexe. On va vers notre chute d'une manière consciente. C'est comme si on était dans la prophétie auto-réalisatrice. Comme si Independence Day devenait notre Bible. Mon constat est désabusé, mais il l'était déjà il y a 20 ans.

Ce que je remarque, c'est surtout qu'on n'a plus le temps de réfléchir. L'humain est calqué maintenant sur la technologie, c'est elle qui règne en maître. Ce sont toujours ces nouveaux apports qui sont censés nous alléger, mais en fait qui alourdissent nos âmes et nos consciences parce qu'on n'a pas le temps de s'adapter. Les grands thèmes comme le savoir, la tolérance, la paix dans le monde, la non-violence, enfin des trucs basiques, on n'a même plus le temps d'y penser puisqu'on est submergé en permanence. L'écologie, on sait que ça cloche, mais rien n'est fait d'un point de vue légal, juste pour arrêter la machine. Si on ne légifère pas, il ne va rien se produire. Ce n’est pas en faisant du compost et en triant les ordures que les choses vont changer, à part culpabiliser les gens et essayer de leur donner un peu d'espoir, ça ne change rien. Le changement devrait se passer à des niveaux gouvernementaux et mondiaux.

À votre niveau, que pouvez-vous faire pour donner quand même un peu d'espoir? On est dans l'ordre de la conscientisation?

Je ne sais pas si je donne trop d'espoir dans mes bandes dessinées. À part la BD que j'ai faite pour les enfants et le dessin animé que je suis en train de faire, où il y a un peu de naïveté et d'espoir, je ne pense pas changer les choses. En tant que lecteur ou spectateur ou auditeur, j'ai juste besoin que quelqu'un me raconte bien ce que j'ai du mal à définir. C’est ma seule optique. Essayer de résumer des moments du monde, de ce qu'on vit, de ce que je vis, de ce que je ressens et d'arriver à les synthétiser artistiquement. C'est pour ça que mes projets sont différents, selon que je veux parler d'un truc économique ou religieux ou névrotique, comme dans le dernier livre que j'ai réalisé, J'ai tué le soleil, où je voulais parler de la névrose et du trauma. Le temps d'un livre, j’exprime la fin du Monde, mais c'est aussi la fin d'un monde personnel avant d'être la fin du Monde.

Je ne veux changer personne. Je pense qu’on change tout seul, on est des grands garçons ou des grandes filles. Ce qui est important, enfin ce que m'apportent les artistes, c'est juste le réconfort de savoir que quelqu'un a réussi à cristalliser un moment de notre époque et à mettre des mots et des images dessus. Et ça, c'est hyper généreux parce que c'est ce qui aide à vivre. Et ça n'a rien de démagogique, c'est juste que c'est compliqué de parler de soi et de son époque et d'arriver à décrire quelque chose, un sentiment, une pensée qui est en mouvement.

Un humain, c'est quelque chose de complexe et le plus difficile à saisir, c'est cette complexité. On vit dans un moment où tout le monde pense qu'il a raison. Tout le monde est en train de brandir le poing, la colère s'est transformée en haine. C'est un déferlement de boue permanent. C'est de la réaction permanente, la surréaction. Et il y a zéro réflexion. Même les plus beaux combats sont contaminés par cette haine. À mon avis, c'est cyclique. J'espère que ça ne conduira pas à une sorte de carnage parce que j'ai des enfants. Mais il s’agit de cycles, on peut observer ce qui est arrivé dans les années 30. Il arrive toujours ce moment de déchaînement où il n'y a plus de limites.

Est-ce que dans ce contexte-là, ça vous arrive de vous autocensurer?

La liberté d'expression, c'est la liberté artistique surtout. J'ai envie de dire « foutez la paix aux artistes ». Parce que le travail d'un artiste, ce n’est certainement pas d'apporter une zone de confort, c'est exactement l'inverse. Un artiste est là pour troubler, pour délivrer un message ambigu, faire réfléchir lorsqu’on referme un livre fini, ou pour qu'on se dise « tiens, c'est bizarre ce que j'ai vu » lorsqu’on vient de voir un film Il n’est pas envisageable pour certaines personnes de se remettre en question par exemple. Je les plains sincèrement parce que tenir une ligne de conduite autour d'une idéologie qui tient en dix points, tout le monde sait que ça ne tient pas la route une seconde. La vie est faite justement pour chambouler ce genre de certitudes, quelles qu'elles soient. C'est comme dire « je ne ferai jamais ça » ou « il faut faire comme ça ».

L'autocensure, je n'en suis pas victime puisque mon travail n'est pas un travail de provocation, c'est plutôt un travail de déconstruction. C’est différent. Pinocchio, à sa sortie, c’était considéré comme trash, mais ça ne l'est plus maintenant. C'est de l'ordre du classique. C’est une lecture qui est passée avec le temps, mais à l'époque, les gens l'ont interprété comme quelque chose de violent. Ça reste une œuvre qui est violente, mais ce n’est pas ça qu'on retient maintenant. Je ne me suis pas censuré à l'époque, je ne me censure pas non plus aujourd’hui. C'est juste que je réfléchis par rapport au monde dans lequel je vis. Comment en parler sans devenir le vieux con qu’on est. Personne n'est à l'abri.

Vous pensez qu'il y a quand même certaines choses que vous avez pu faire à l'époque que vous ne pourriez plus faire aujourd’hui?

La question que je me pose est « est-ce que j'aurais envie maintenant de faire ce que j'ai fait à l'époque? », ce qui est complètement différent. Si on me demandait « Ferais-tu Pinocchio aujourd’hui? », la réponse est non. Tout simplement parce que je ne suis pas animé de la même colère. Ce monde est aberrant d'une autre manière de nos jours. Je ne suis même pas certain d'avoir envie de le décrire de la même manière que dans Pinocchio. C'est comme s’il y avait une sensation d'effritement moral et intellectuel. L'humour est en train de disparaître, l'ironie aussi. La fonction d'un artiste, c'est d'amener de l'oxygène d'une manière ou d'une autre.

Quel rôle jouent les nouvelles technologies dans votre constat?

Pour moi, les nouvelles technologies, c'est un peu comme le caméscope. Quand c'est arrivé, c'était censé filmer les mariages, et ça filmait des films de cul assez rapidement. Ces nouvelles technologies, ça finit toujours dans les toilettes. Je pense qu'il y a une ou deux générations qui vont être cramées par ces trucs. Mes gamins regardent YouTube ou des trucs comme ça, et au niveau de la construction du récit, ceux qui s'en sortent sont ceux qui sont très académiques dans leur narration, c'est-à-dire ceux qui racontent des histoires. Eux, ils peuvent potentiellement durer. Ceux qui sont dans des formats extrêmement courts, de 20 secondes, à la fin, il faut qu'ils se tranchent le bras ou qu'ils se mettent un concombre dans les fesses pour que quelqu'un soit encore attentif.

On a besoin d'histoires et de récits. Dans la période qu'on traverse, c'est comme s'il y avait un sac plein de bonbons et que tout le monde s'en met plein la bouche et va vomir à la fin. Comment ça va se finir exactement? C'est compliqué de l'analyser. Ce que je vois, c'est que ça a donné la chance aux médiocres d'exister à peu de frais. Mais ce n’est pas nouveau non plus. Le caméscope en est un bon exemple.

Vous allez participer à animer des ateliers dans les écoles d'art à Genève, en lien avec le Prix Töpffer. Quel est le message que vous pouvez transmettre à des jeunes? Elles et eux qui ont recours abondamment à ces nouvelles technologies.

Je n’ai pas de problème avec les nouvelles technologies. Le tri est vite fait. Il y a les gens qui ont du talent, qui savent s'en servir, et puis il y a les autres. Ce n’est pas miraculeux, il faudra toujours quelqu'un pour se servir des nouvelles technologies, même avec l’intelligence artificielle. Il y a un nouveau poste qui s'est libéré, c'est celui qui sait programmer les intelligences. Concernant les nouvelles générations, j'avais coutume de dire que je n’ai qu'un conseil à donner : « N'écoute aucun conseil ». Ce qui rend fou mon fils, il me dit « Arrête de dire ça ».

Il y a des jeunes filles et des jeunes hommes qui viennent me voir et qui sont fans de ce que j'ai pu faire. Pinocchio par exemple ou en animation. Ça me fascine et ça me surprend. C'est aussi ça un artiste, c'est quelqu'un qui arrive à passer le temps. C'est pour ça que les nouvelles technologies, c'est un faux débat. Le truc, c'est plutôt la manière de créer.
C'est comme si le propos devait changer le monde, comme si on avait quelque chose de très important à dire. Là est la confusion. L’art, il n'y a rien de plus inutile et il n'y a rien de plus important en même temps. C'est un peu comme l'amour. Les gens sont assez grands pour savoir ce qu'ils disent, ce qu'ils regardent et pour faire le tri. Alors, les personnes qui pensent pouvoir dicter « ça c'est mal, ça c'est bien » …Même dans La petite maison dans la prairie, si je veux je peux y trouver un message satanique.

Donc ces jeunes auteurs et autrices de bande dessinée, vous allez surtout les inviter à trouver leur propre récit?

Il n’y a rien de magique. Je suis un bosseur. Évidemment, il y a des fois où Dieu pose son doigt sur la tête de quelqu'un et on a l'impression que ça sort tout seul. Tant mieux pour lui, mais tout le monde n'est pas Rimbaud. Et en plus Rimbaud, il a fini en faisant du trafic d'armes, donc il semblerait que ça ne dure qu'un temps, ce moment de grâce. Ce que je dis, c'est qu’il faut travailler, même si c’est pénible. Et qu’il faut travailler pour soi. Le truc avec l’artistique, c'est qu’à un moment, on est toujours seul. J'ai vécu plein de fois ce moment où il y a une incompréhension totale de ce qui est produit. Si on a de la chance, ça marche. Et tout le monde comprend. Et si ça ne marche pas, vous passez pour un gros loser. Il faut travailler, une idée n’est pas suffisante, il en faut 1000. Et quand on a 1000 idées, il faut en balancer 999. C'est aussi ça, être un-e artiste. C'est avoir le choix de ne pas faire. Je passe aujourd’hui plus de temps à ne pas faire des choses qu'à les faire. J'ai des projets, j'en ai plein les tiroirs, et je me demande: « Est-ce que c'est le moment? Est-ce que c'est nécessaire pour moi? » Sachant que je ne vais pas changer le monde, on est bien d'accord.

Est-ce qu’au nom de cette liberté que vous avez toujours su garder, vous avez dû sacrifier certaines choses?

Je n'ai rien sacrifié. J'ai dit non. J’ai une très bonne vision des choses. Et si je dis non, c'est parce que je sais que ça ne va pas marcher. J'ai assez de pif pour savoir que si on vient me chercher pour une collaboration avec de la fascination pour mon travail, je sais que cela va se transformer en peur très rapidement. Et quand j'accepte, je vais jusqu'au bout.

Vous serez à Genève le 28 novembre pour la soirée des Prix Töpffer, quel est votre lien avec cette ville?

Je compte venir en vacances cet été [2024] à Genève, aller faire de la randonnée. J’y étais passé en train pour aller à un festival à Lucerne et il y a quelques années, j’avais eu une exposition sur mon travail à la Villa Bernasconi. Recevoir ce prix à Genève, ça m'a carrément surpris. J’ai essayé de savoir pourquoi je l'avais eu, mais c'était un peu trouble comme explication. Je connais ma force de frappe et je ne produis pas énormément d'albums. J’ai une fanbase assez solide, mais ça reste confidentiel. Donc oui, j'étais assez surpris. Agréablement. Ça me change, c'est exotique.


Winshluss est en train de travailler sur l’adaptation au cinéma de sa bande dessinée Dans la forêt sombre et mystérieuse. Le film est sélectionné au festival d’Annecy et sera projeté à Cannes.

Bandes dessinées (titres principaux)

  • Welcome to the Death Club, 2001
  • Pat Boon – Happy end, 2001
  • Hollywood Superstars, 2003
  • Smart Monkey, 2004
  • Raging Blues, 2004
  • Wizz et Buzz (2 tomes), 2006-2007
  • O' boy! What nice legs!, 2006
  • Entre 4 planches, 2008
  • Pinocchio, 2009, Fauve du meilleur album, festival d’Angoulême
  • Il était une fois l'huile, 2010
  • Villemolle 81, 2010
  • Monsieur Ferraille, 2011
  • In God We Trust, 2013
  • Super Negra, 2013
  • Winshluss, un monde merveilleux, 2014
  • Dans la forêt sombre et mystérieuse, 2016, Pépite d'or au Salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis
  • Gang of Four, 2017
  • Monsieur Ferraille - bonus, 2017
  • L'Anarchie. Théories et pratiques libertaires. La petite Bédéthèque des Savoirs - Tome 29 - Avec Véronique Bergen, 2019
  • J’ai tué le soleil, 2021

Courts métrages

  • Raging Blues (2004) avec Lyonnel Mathieu. Animation. Distingué dans 2 festivals (Berlin, Montecatini)
  • Il était une fois l'huile, animation 2d-3d. Festival de Cleveland 2012 (mention spéciale animation)
  • Territoire, 2014
  • Smart Monkey, 2014, animation 2d, avec Nicolas Pawloski. Prix du public au BIAF (Corée du Sud) et American French Film Festival deL.A. (ex COLCOA) en 2015
  • La Mort, Père & Fils, 2017, animation 2d-3d avec Denis Walgenwitz. Distingué à Sapporo, prix du jury junior à Annecy, Clermont-Ferrand, prix compétition jeune public Animatou en Suisse, prix meilleure animation Brooklyn, , prix presse internationale et Prix Lacoste du public de MyFrenchFilmFestival)

Longs métrages

  • Persepolis, 2007, animation, avec Marjane Satrapi. Prix du Jury à Cannes 2007 et à Stockholm pour la meilleure musique; distingué aux César du Cinéma français en 2008.
  • Poulet aux prunes, 2011 avec Marjane Satrapi. Film avec M. Amalric, E. Baer, M. De Medeiros, G. Farahani, etc. Distingué au festival d’Abu Dhabi en 2011.
  • Villemolle 81, 2011. Hunted, 2019
  • Angelo dans la forêt mystérieuse, 2023, avec Alexis Ducord
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Winshluss, © DR

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Prix Töpffer Genève

Juliette Mancini: La haine du poil

Le titre de l’album ne laisse guère d’incertitude sur le propos, même si le poil ou plutôt les poils, obscurs objets du dégoût, ne se laissent pas cerner par une sentence aussi radicale. L’histoire du poil rappelle la versatilité des sociétés à son égard, en occident comme ailleurs. Dans tous les cas, le poil est signifiant et interroge les rapports de genre, les tolérances et les exclusions dans leur confrontation à la religion et aux valeurs morales puritaines ou avides de pureté.

Le scénario, co-écrit avec Alexia Chandon-Piazza et Sara Piazza, toutes deux psychologues cliniciennes, naît du travail de thèse de cette dernière, sur le sexe féminin. Le récit, mis en images par Juliette Mancini, mêle de brefs moments du quotidien de la vie de femmes (et quelques hommes) de tous âges et de différents milieux. Le dessin sans fard de la rencontre des êtres et des corps - en vert et violet - permet d’explorer les multiples émotions suscitées par la présence ou l’absence de pilosité. À travers la psychanalyse, l’art, les pratiques d’épilation, les échanges affectifs ou sexuels, ce sont les tabous, les diktats commerciaux et les normes comportementales intériorisées de notre société qui se dévoilent et donnent à réfléchir, sans pathos. Touche inattendue, le poil se fait même roseau pensant au fil de la narration… Une très belle idée dont on se demande toutefois si le dégoût contemporain exprimé par les différents personnages de la bande dessinée, pourra être désamorcé par la représentation d’un poil devenu sujet dialoguant alors que fantasmes ou aversions se nourrissent d’abord du caractère touffu et indifférencié des poils. Une narration subtile, incarnée par les incertitudes des un-es ou les réactions épidermiques des autres et qui échappe avec bonheur aux écueils du traité didactique.

Biographie

Française née en 1989, installée dans le canton de Genève, Juliette Mancini est diplômée de l’École des arts décoratifs de Paris (EnsAD) en design graphique (2013). Ses travaux explorent les phénomènes de domination sociale comme de genre, sans manichéisme, avec humour aussi, interrogeant la part de liberté qui s’offre à chacun-e.

Elle publie chez Atrabile son premier opus, De la chevalerie, en 2016 objet d’une réédition en 2018. Cette même année, le fanzine Bien, Monsieur, qu’elle a co-fondé, reçoit le Fauve de la BD Alternative au Festival d’Angoulême. En 2021, toujours chez Atrabile, elle publie Éveils. Elle participe au collectif réuni pour les 25 ans de la maison d’édition (Autre chose) en 2023. En parallèle, elle dessine pour la presse, notamment jeunesse (Biscoto, Georges, Libération, Nicole, Sub(ti)tle…) et pour des institutions culturelles. Ces dernières années, elle a été résidente à Maison Fumetti, Embassy of Foreign Artists et La fraternelle.

Co-autrices

Sara Piazza a soutenu en 2013 une thèse en psychopathologie et psychanalyse intitulée «Les enjeux représentationnels de la nymphoplastie: Coupez ce sexe que je ne saurais voir». Après avoir enseigné, elle travaille désormais en tant que psychologue clinicienne à l’Hôpital Delafontaine à Saint-Denis dans le service de réanimation et dans l’équipe mobile de soins palliatifs et est chercheuse associée au laboratoire Centre de recherches en psychanalyse, médecine et société de l’université Paris Diderot.

Alexia Chandon-Piazza est artiste-autrice et psychologue clinicienne. De 2011 à 2020 elle a travaillé au sein du collectif INVIVO, sur la création de spectacles à mi-chemin entre le théâtre et les arts numériques. Après une reprise d’études, elle est devenue psychologue clinicienne et exerce désormais en pédiatrie auprès d’enfants hospitalisés et leur famille.

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Prix Töpffer pour la jeune bande dessinée

Fanny Rose: On dit que c'est une étamine libre

Ce livre, réalisé dans le cadre du projet de diplôme de l’ESBDI, se situe à mi-chemin entre un roman graphique et un recueil de poésie. Avec une certaine forme de résilience et de jeu, On dit que c’est une étamine libre évoque l’après des violences psychologiques familiales. C’est une tentative de reformulation d’un narratif, pour se le réapproprier et s’en émanciper.

L’envie de lettres, de correspondances, de créativité très libre de l’autrice s’exprime tout au long des pages et permet aux surprises d’arriver, aux envies graphiques du moment d’éclore. La beauté et la poésie de ce récit laissent percevoir la complexité de la relation à soi et aux autres. Le thème est abordé avec délicatesse, il emporte le lecteur et la lectrice au fil de la narration.

Biographie

Après avoir reçu le prix Papier Gras pour ce livre, l’autrice née en 2000 et diplômée de l’ESBDI poursuit sa formation à la HEAD - Genève.

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Cérémonie des Prix Töpffer 2023

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Grand Prix Töpffer

Rutu Modan

Lire le laudatio de Rutu Modan par Anne-Hélène Hoog (pdf 250 ko)
Lire le discours de Rutu Modan (anglais, pdf 260 ko)

Rutu Modan (1966) est une illustratrice israélienne de Tel-Aviv, dessinatrice de bandes dessinées, professeure à la Bezalel Academy of Art & Design, à Jérusalem. Elle est une des grandes figures contemporaines de la bande dessinée israélienne dont elle a contribué au développement. Traduite dans plus de 15 langues, son œuvre porte un regard fondamental sur une culture et une société percluse de conflits, souvent observées d’Amérique du Nord. Symptomatique, c’est par l’édition canadienne anglophone de ses albums (Drawn and Quaterly) qu’elle a remporté, par deux fois, une distinction majeure de la bande dessinée américaine: le prix Eisner du meilleur album, avec Exit Wounds (2008) et La propriété (2014). Toutefois, ces deux albums font également connaitre Rutu Modan en Europe. Les jurys des festivals de Lucca (2014) et d’Angoulême (2008 et 2014) l’inscrivent à leur palmarès. Modan expose à nouveau à Angoulême en 2019 en compagnie de Thomas Gabison, son éditeur, lequel témoigne que la collection Actes Sud BD doit beaucoup à la créativité de Rutu Modan. Pour mémoire, au mois de janvier 2005, cinq ouvrages de bande dessinée ouvrent la collection qui n’a cessé de s’enrichir. Parmi eux, on découvre: Énergies bloquées de Rutu Modan.

Au-delà des honneurs, l’Europe a été et reste le point de contact essentiel au cœur d’une expérience personnelle et artistique dont témoignent ses ouvrages. Sa rencontre au début des années 1990 avec Michel Kichka, son professeur à l’École des Beaux-arts venu de Belgique, est déterminante et lui donne la force de consacrer sa vie au dessin dans un pays qui accorde alors peu de place à la bande dessinée.

Avec Yirmi Pinkus, complice d’école, elle adapte le célèbre magazine MAD, puis donne naissance en 1996 au premier collectif israélien de bande dessinée : Actus Tragicus, peu après l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Les travaux du collectif sont vite reconnus sur la scène internationale et nommés aux prix Eisner 2000 dans la catégorie Best Comic Book Anthology of the Year. En 2011, le Cartoonmuseum Basel organise avec les membres d’Actus une exposition How to love reprise de l’ouvrage du même nom, montrant la richesse d’expression du collectif entre roman graphique, dessin, graphisme, typographie et poésie.

Toujours avec Pinkus, Rutu Modan fonde en 2013, une maison d’édition spécialisée dans la bande dessinée pour la jeunesse : Noah’s Library. En tant qu’illustratrice, elle est plusieurs fois primée en Israël (prix Ben-Yitzhak du musée israélien pour l'illustration de livres pour enfants).

En 2022, elle reçoit un important témoignage de reconnaissance pour l’ensemble de son œuvre en hébreu avec le prix littéraire Levi Eshkol, du nom du Premier ministre israélien des années 1960. Le Grand prix Töpffer décerné en 2023 s’inscrit dans cette reconnaissance interculturelle et par-delà les langues pour une artiste qui a apporté une contribution essentielle à l’émergence de la bande dessinée dans son pays et qui a su se faire reconnaitre par la force de son univers graphique et narratif, par les valeurs qu’elle y défend avec délicatesse et humour, mais aussi par sa pratique de l’édition comme de l’enseignement au service d’un art collectif.

 

On commence par une question plus personnelle: comment avez-vous appris que vous étiez lauréate du Grand Prix Töpffer?

Quand j'ai reçu cet appel téléphonique, ça été une surprise totale. Je ne peux même pas vous dire si c'était il y a une semaine ou il y a un mois, depuis le COVID j'ai perdu la notion du temps. Cette nouvelle m'a ravie, c'était en plein milieu de ma journée de travail. Je n'étais pas préparée à recevoir cette incroyable nouvelle; être reconnue pour mon travail et recevoir ce prix… C'est Rodolphe Töpffer! Il est très important pour moi et pour la bande dessinée dont il est l'inventeur. Je connais son travail et son style depuis longtemps. Au début de ma carrière, j'étais très inspirée par les toutes premières bandes dessinées.

Saviez-vous que vous étiez connue à Genève et en Suisse avant de recevoir ce prix?

Je suis venue à Fumetto (ndlr : festival de la bande dessinée de Lucerne) trois fois, je pense. La première fois à la fin des années 90, je faisais partie d'un collectif d'artistes appelé «Actus» et nous avions été invités à réaliser une exposition. C'était génial, car ce festival est vraiment incroyable. En 2006, nous avons de nouveau proposé une exposition collective, ainsi qu'une exposition de nos étudiant·e·s, car nous sommes aussi professeur·e·s dans des écoles d'art en Israël. Enfin, en 2009, on m'a demandé de créer une exposition en solo. J'ai aussi été exposée au CartoonMuseum à Bâle, mais je n'ai pas pu me déplacer pour l'ouverture.

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Rutu Modan, affiche du Prix Töpffer

«Le lien visuel entre les feux d'artifice et le Jet d'eau sur le lac s'est fait naturellement dans mon esprit, leur forme est très similaire»

Pouvez-vous nous parler du dessin que vous avez réalisé pour l'affiche des Prix Töpffer? D'où vous est venue l'inspiration?

Le Jet d'eau est une image très célèbre de Genève. Genève est une ville mondialement connue même par les personnes qui n'y ont jamais mis les pieds. Je ne me rappelle pas d'avoir vu le Jet d'eau lors de mon passage à Genève étant petite, mais celui-ci et le lac sont gravés dans mon imaginaire. Ce qui me reste comme souvenir très fort de ma venue, ce sont les feux d'artifice sur le lac. Je me souviens qu'ils étaient très impressionnants. Le lien visuel entre les feux d'artifice et le Jet d'eau sur le lac s'est fait naturellement dans mon esprit, leur forme est très similaire.

Qu'est-ce que Genève représente pour vous?

On ne peut séparer l'image de Genève de celle de la Suisse: les paysages, les montages, la météo, le chocolat, l'architecture, l'eau. Le lien entre Genève et la paix est aussi très fort selon moi. Je me souviens de plusieurs moments dans mon enfance où on disait que «cela se passait à Genève» au sujet de discussions pour la paix.

«Quand j'étais plus jeune dans les années 90, les gens recherchaient la paix, il y avait de l'espoir. Même si ce qui était discuté n'a pas forcément été réalisé par la suite, les gens se parlaient. Aujourd'hui, c'est tragique, les gens ne parlent plus de paix. Tout au plus, on demande la fin des conflits, mais plus la paix. Personnellement, je crois que la paix est possible.»

Quelle place a la paix dans votre travail? Est-ce que cette thématique est importante pour vous en tant que femme israélienne? Sans vouloir faire de clichés…

Oh, ne vous en faites pas, vous pouvez me demander ce que vous voulez. Je ne suis pas facilement offensée. En tant que personne israélienne de mon âge, avec mes propres croyances… je ne parle pas pour tous les Israélien·ne·s, mais pour moi. La paix est un sujet qui m'est cher: la situation politique, le fait que nous vivons en situation de guerre constante, avec des conflits qui n'en finissent pas, c'est très déprimant. Il n'y a qu'à voir l'actualité de ces derniers jours (ndlr : l'interview a été réalisée le 10 mai 2023 alors que des affrontements avaient lieu entre Gaza et Israël). Quand j'étais plus jeune dans les années 90, les gens recherchaient la paix, il y avait de l'espoir. Même si ce qui était discuté n'a pas forcément été réalisé par la suite, les gens se parlaient. Aujourd'hui, c'est tragique, les gens ne parlent plus de paix. Tout au plus, on demande la fin des conflits, mais plus la paix. Personnellement, je crois que la paix est possible. Mon travail de bédéiste a des aspects politiques, mais il ne traite pas principalement de la situation politique. Ce qui est très important dans mon œuvre, ce que j'essaie de faire, c'est de parler des personnes qui sont bloquées dans cette situation. Celles et ceux qui sont né·e·s dans cette situation en guerre. C'est dramatique et violent. J'écris sur tous types de personnes, j'essaie de les comprendre et de les décrire comme des personnes humaines avant tout, même si elles ne partagent pas mes croyances. J'illustre aussi des Palestinien·ne·s, des personnes religieuses, j'essaie à travers mon travail d'amener la paix entre les gens.

«Les idées que je souhaite exprimer sont plus faciles à transmettre à travers la BD. C'est mon moyen de communication à moi.»

Quelle est la force de la bande dessinée dans ce processus de paix selon vous?

L'art en général est très important pour décrire les différentes situations et les expliquer à tout le monde. De ce point de vue, la bande dessinée présente des avantages. D'abord, ce sont des œuvres visuelles et la communication visuelle est beaucoup plus directe et facile à comprendre, car nos cerveaux réagissent plus vite aux images qu'aux mots. La bande dessinée réunit les cultures, les âges et les genres plus que tout autre média. Je ne l'ai pas inventé, j'ai appris cela des bibliothécaires (sourire). Les idées que je souhaite exprimer sont plus faciles à transmettre à travers la BD. C'est mon moyen de communication à moi.

Je le vois avec les réactions des lecteurs et lectrices en Israël et dans le reste du monde, même les jeunes et les enfants, comprennent plus facilement les choses avec les bandes dessinées.

«Mon travail a toujours été empreint d'humour, en a encore aujourd'hui et en aura toujours. Ce n'est pas quelque chose que je peux choisir. La manière que j'ai d'écrire ou de dessiner fait partie de ma personnalité et de ma façon de voir la vie.»

Dans votre manière de communiquer, quel est le rôle de la satire? Vous avez notamment travaillé pour la version israélienne du magazine Mad.

Mon travail a toujours été empreint d'humour, en a encore aujourd'hui et en aura toujours. Ce n'est pas quelque chose que je peux choisir. La manière que j'ai d'écrire ou de dessiner fait partie de ma personnalité et de ma façon de voir la vie. Évidemment, je crois profondément en la force de l'humour pour exprimer tous les sentiments y compris les plus difficiles: la tristesse, la tragédie, la violence. Les dessins rendent les messages plus simples à comprendre et à accepter. Cela permet de prendre du recul sur les situations qui nous arrivent et pour moi aussi de me protéger et de traiter les sujets sensibles qui me sont arrivés. Cela permet de se détacher et de rendre plus abstraits les sentiments difficiles.

En Israël, l'humour noir est très commun en raison de la tradition juive, mais aussi en raison de tout ce qui s'y passe. Les bandes dessinées en revanche sont plus rares. Cela s'améliore. Quand j'étais petite, il devait y avoir au maximum une librairie vendant des bandes dessinées. Je lisais tout ce que je trouvais immédiatement. Encore aujourd'hui, il y a peut-être deux ou trois librairies spécialisées et zéro maison d'édition spécialisée. Les BD qui sont publiées le sont en très petits exemplaires destinés essentiellement aux enfants. Je suis très chanceuse, car mon œuvre a été traduite à l'étranger par une maison d'édition. C'est vraiment très rare pour nous autres. La plupart des BD imprimées le sont en autoédition en Israël.

«Je faisais partie de la première volée [d'étudiant·e·s à l'école de bande dessinée de Jérusalem]. J'ai eu un coup de foudre, c'est ce que je faisais déjà depuis l'âge de cinq ans, mais je ne savais pas que cela pouvait être un métier à part entière.»

Vous avez étudié dans une école de bande dessinée, racontez-nous cette expérience…

J'ai commencé mes études dans le domaine au début des années 90 et mon professeur était Michel Kichka, un auteur belge immigré en Israël. J'ai eu beaucoup de chance, car il a décidé d'ouvrir la première école de bande dessinée d'Israël. Je faisais partie de la première volée. Il m'a appris qu'être autrice de bandes dessinées pouvait être une profession. Mes parents étaient docteurs, il n'y avait pas d'artistes dans la famille quand j'étais petite pour me montrer cette voie. Mon père trouvait évidemment que la voie que j'avais choisie était tragique, il voulait que je devienne à mon tour médecin.

Je suis tombée amoureuse des œuvres de Michel Kichka dès les premières leçons. Dès les premiers cours, il a apporté sa collection personnelle de peut-être cinquante BD en nous disant qu'en Israël, les gens ne connaissaient rien à cette pratique artistique. On a dû commencer par lire des BD pendant une heure et dès ce moment, j'ai décidé que je voulais devenir autrice de bande dessinée. J'ai eu un coup de foudre, c'est ce que je faisais déjà depuis l'âge de cinq ans, mais je ne savais pas que cela pouvait être un métier à part entière. Il est à la retraite aujourd'hui, mais nous avons enseigné tous deux dans la même école, je suis à mon tour devenue professeure de bandes dessinées il y a plusieurs années.

«Vous pouvez enseigner des choses très ennuyeuses si vous le faites avec enthousiasme. Je viens avec de la passion. J'aime les bandes dessinées, j'aime en créer.»

Que souhaitez-vous transmettre à vos étudiant·e·s?

Il y a quelques années, il y avait uniquement six étudiant-e-s par classe, on manquait de jeunes. Aujourd'hui, les écoles de bande dessinée et d'illustration sont très populaires, nous ne sommes plus les seuls. Elles et ils arrivent en étant déjà passionné-e-s et en souhaitant raconter des histoires avec leurs dessins. Dans l'éducation, je pense que la chose la plus importante est la passion de la personne qui enseigne. Vous pouvez enseigner des choses très ennuyeuses si vous le faites avec enthousiasme. Je viens avec de la passion. J'aime les bandes dessinées, j'aime en créer. Ce n'est pas facile pour les étudiant·e·s, mais cela ne l'est pas non plus toujours pour moi.

Quand les étudiant·e·s ont de la peine, je leur rappelle la chance qu'elles et ils ont de faire ça. Il s'agit de la meilleure vie possible. Si c'est ce qui te passionne, malgré les moments difficiles, c'est toujours mieux que 95% de n'importe quel autre métier. Je pense même que c'est bien plus, mais je laisse 5% de chance aux autres métiers d'avoir des activités aussi passionnantes que les nôtres (sourire). Il n'est pas donné à tout le monde de faire de l'illustration, il faut quelques compétences pour faire ce métier contrairement à la bande dessinée où tout le monde peut en faire. Il n'y a pas besoin que ça soit parfaitement dessiné ou écrit. Ce qui est important c'est l'histoire que tu essaies de raconter de manière visuelle. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui n'avait pas d'histoire(s) à raconter. On peut tous et toutes apprendre à le faire en images. Ça peut être simplement avec des symboles ou avec le toucher… cela suffit à créer des émotions chez la personne qui lit notre histoire.

Un beau dessin, un peu d'humour et une histoire personnelle à raconter, quel est pour vous le mélange parfait qui fonctionne toujours?

J'adore les histoires sur tous types de médiums. J'aime aussi lire des livres ou aller au cinéma. Les films et la littérature ne m'influencent pas moins que les BD. J'aime aussi les histoires racontées directement par les gens. Ce qui change avec la bande dessinée, c'est le rapport au temps. Le cinéma raconte aussi une histoire en images, mais sous forme de timeline, sur une planche de BD, on peut avoir 4-5 temporalités différentes.

«Ce qui est important dans mes histoires ce sont les personnages.»

Vous avez un rapport au cinéma très fort. Pour vos bandes dessinées, vous engagez des acteurs et des actrices pour jouer les scènes que vous avez en tête puis vous les dessinez pour plus de réalisme. Un de vos derniers livres La Propriété va prochainement sortir au cinéma, car votre sœur réalisatrice est en train de finaliser le passage sur grand écran de cette histoire basée sur votre famille. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?

J'adore le cinéma. Au début, je dessinais des petites histoires. Quand j'ai commencé à écrire des histoires plus longues, j'ai aussi beaucoup lu sur le cinéma, car c'est un médium très populaire et grand public au même titre que la télévision. C'est plus accessible que la littérature, la peinture ou l'illustration. Pour les enfants, ce n'est pas un problème, mais pour les adultes qui n'ont pas lu des BD dans leur enfance, c'est difficile. Il y a beaucoup d'informations, il faut lire le texte, regarder les images et combiner les deux. Je voulais que mes BD soient faciles à lire comme quand on regarde un film. Pas forcément dans le choix des sujets, mais plus dans le dynamisme, je ne voulais pas que mes histoires longues soient ennuyeuses. Je souhaitais que la personne qui me lit soit engagée rapidement. J'ai donc beaucoup lu sur les pratiques du cinéma et j'ai utilisé leurs méthodes concernant le timing et comment rendre plus accessible les histoires.

Concernant les dessins que je réalise avec de vraies personnes, ce n'est pas lié à mon lien avec le cinéma. Je commence par écrire les histoires avec des dessins très sommaires et moches. Je les dessine uniquement pour créer la structure, décider la taille des cases, construire les pages, les compositions entre textes et images. Je n'utilise pas de légendes dans mes cases, j'écris quasi exclusivement des dialogues, ce qui est important dans mes histoires ce sont les personnages. C'est important pour moi que chaque personnage ait une personnalité et pas juste un physique. J'ai besoin de savoir comment le personnage bouge. Beaucoup d'artistes utilisent des photos d'eux-mêmes ou des tableaux, je voulais reproduire ce que j'avais en tête avec de vraies personnes afin de pouvoir les dessiner au plus juste. Pour mon premier livre, ma famille et mes ami·e·s ont accepté de poser. Je pouvais les utiliser sans les payer (sourire). Pour le deuxième livre, je ne pouvais plus utiliser la carte du «premier livre» avec mes proches alors j'ai fait appel à une de mes amies qui est actrice et à son réseau. Travailler avec des acteurs et actrices est une expérience complètement différente, car ces personnes ont ce talent pour comprendre et faire vivre un personnage. Si je lui demande d'incarner un vieux monsieur de 90 ans qui boit son café, l'acteur va devenir cette personne. Évidemment dans ce cas, je paie les professionnel·le·s pour les diriger. Cela reste plus simple que le cinéma: pas besoin de locaux, de costumes ou de maquillage, c'est moi qui les dessine plus tard. Cela m'a énormément aidé pour la construction de mon histoire. Les acteurs et actrices ajoutent parfois leurs propres idées, qui peuvent aussi enrichir la bande dessinée. Écrire une bande dessinée, c'est comme être un moine, on ne voit personne pendant des mois. Alors quand on peut travailler avec du monde, c'est une opportunité pour être influencée par leurs idées, les laisser entrer dans mon œuvre et y apporter parfois des petits changements. Pas de grands changements, car j'ai déjà mon storyboard à ce moment-là et je sais exactement ce que je veux, mais toute idée créative est bonne à prendre. Mes livres naissent en trois parties: la première fois, c'est moi qui dessine le croquis de tout le livre, ensuite je photographie les comédien·ne·s sans les dessiner, enfin je finalise le dessin.

«Écrire une bande dessinée, c'est comme être un moine, on ne voit personne pendant des mois. Alors quand on peut travailler avec du monde, c'est une opportunité pour être influencée par leurs idées, les laisser entrer dans mon œuvre.»

Votre livre La Propriété va être adapté au cinéma. Est-ce que vous réécrivez le livre une quatrième fois pour ce nouveau média?

C'est ma sœur qui réalise ce film. Elle est actrice et scénariste en Israël et elle a réalisé plusieurs séries. Elle est plus célèbre ici [en Israël] que moi. C'est la première fois qu'elle dirige un film. J'étais évidemment impliquée, mais c'est elle qui a adapté l'histoire qui est très similaire à la bande dessinée. Il y a quand même quelques changements, elle a par exemple ajouté un peu d'humour. Elle a fait quelque chose de très semblable à ce que j'avais en tête. Elle me consulte régulièrement, mais c'est elle qui réalise le film. Elle tourne actuellement en Géorgie et ensuite elle enchaîne avec la Pologne. Je suis allée quelques jours sur le tournage et j'y retourne bientôt. C'est une des meilleures expériences de ma vie.

L'histoire de La Propriété est très personnelle pour vous, elle parle de vos grands-parents…

Oui, c'est la raison pour laquelle c'était à ma sœur de faire ce film. Elle connaît toutes les histoires, elle connaît nos grands-mères. Celle du livre est une combinaison de nos deux grands-mères. Ma sœur porte le nom de notre grand-mère. On partage le même sens de l'humour.

«Je ne vois pas de grande différence entre dessiner sur un écran ou dans un cahier, même sur un écran, je dessine tout avec ma main. Concevoir le storyboard, diriger des personnes, c'est très difficile, mais le dessin en lui-même, quand tout est déjà prêt, c'est la partie la plus amusante. Pourquoi la confier à un ordinateur?»

Quel est votre rapport à la nouvelle technologie en tant qu'artiste?

J'utilise la technologie dès qu'elle peut me servir. Je n'ai pas peur de l'utiliser et ne suis pas contre la technologie. J'ai commencé à dessiner sur un ordinateur dans les années 90. Je dessine parfois de manière traditionnelle sur papier, mais d'habitude je dessine numériquement. Dans tous les cas, c'est moi qui dessine chaque détail, chaque brique du décor. Je ne vois pas de grande différence entre dessiner sur un écran ou dans un cahier, même sur un écran, je dessine tout avec ma main. Les gens ont parfois l'impression que l'ordinateur peut dessiner pour nous et maintenant on entre effectivement dans un monde où cela est possible, mais dans mon cas, dessiner est la partie amusante de mon travail, je ne la laisserai pas à une machine. Concevoir le storyboard, diriger des personnes, c'est très difficile, mais le dessin en lui-même, quand tout est déjà prêt, c'est la partie la plus amusante. Pourquoi la confier à un ordinateur?

La seule différence entre les deux techniques c'est que les dessins sur papier peuvent être vendus plus cher (sourire). Je ne dis pas que je n'utiliserai jamais l'intelligence artificielle, on ne sait jamais.

L'intelligence artificielle est justement très à la mode. Est-ce que c'est quelque chose qui vous préoccupe sur le plan du copyright notamment? Si on demandait à un ordinateur de dessiner quelque chose avec le style de Rutu Modan…

Ma position sur ce sujet change constamment. J'ai un avis puis je lis quelque chose et celui-ci change. Je peux répondre avec mon point de vue actuel. Premièrement, cela ne m'effraie pas. Les gens peuvent me copier. On copiait déjà Mœbius (ndlr : auteur français de bande dessinée) avant l'arrivée des machines. Deuxièmement, je vais vous dire ce que je transmets à mes étudiant·e·s: je les encourage à être inspiré·e·s par des artistes. Pas à les copier bêtement, mais à explorer des styles différents et à les essayer, voire parfois, pour s'entraîner, à copier les artistes comme ils le faisaient dans les anciennes académies. Cela les aide à bien comprendre le fonctionnement du dessin et à développer leur propre style. Cela fait partie du parcours personnel de chaque artiste, je pense, depuis la Renaissance et surement avant, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Quand mes élèves s'inquiètent du fait que leur style n'est pas assez original, je leur dis qu'en effet leur style n'est pas original (sourire), c'est le contexte qui va les protéger. Ce sont leurs idées, les histoires qu'ils et elles souhaitent raconter, qui sont précieuses. Qu'importe le style utilisé, il va changer. Le dessin n'est pas juste un trait ou une couleur, c'est principalement l'idée, ce que vous souhaitez dire et exprimer. Et si vos idées et le contexte sont les vôtres, alors vous n'avez pas à vous inquiéter. Personne ne peut vous copier. Dans mes bandes dessinées, il y a des parties de ma vie, les personnes que je connais, les sujets qui sont importants pour moi, personne ne peut copier ça. Chaque individu est intéressé·e par des choses différentes et à un savoir unique. Quelqu'un-e peut gagner de l'argent en imitant mes dessins, car heureusement je suis dans un moment de ma vie où je gagne ma vie avec mes œuvres, mais ce n'est pas un problème pour moi. J'inventerai quelque chose d'autre s'il le faut. L'IA n'est donc pas effrayante pour moi, mais elle l'est peut-être pour l'art et la culture en général. Pour l'instant, je ne suis pas très impressionnée par ce que je vois, la plupart des œuvres que fait l'IA sont plutôt horribles (sourire). Si on y regarde bien, c'est facile de voir que ce n'est pas fait par une personne humaine. Chaque détail est séparé des autres, comme une sorte de collage. Même si deux personnages dessinés par l'IA se font un câlin, ils vont regarder dans des directions opposées (sourire). C'est très creepy et kitch. L'IA est très intelligente, mais sans intelligence émotionnelle.

«On copiait déjà Mœbius (ndlr : auteur français de bande dessinée) avant l'arrivée des machines. Quand mes élèves s'inquiètent du fait que leur style n'est pas assez original, je leur dis qu'en effet leur style n'est pas original (sourire), c'est le contexte qui va les protéger. Ce sont leurs idées, les histoires qu'ils et elles souhaitent raconter, qui sont précieuses. Si vos idées et le contexte sont les vôtres, alors vous n'avez pas à vous inquiéter. Personne ne peut vous copier.»

Nous aimons les connexions entre les différent·e·s lauréat·e·s des Prix Töpffer. Vous avez été exposée à New York avec Catherine Meurisse (Grand Prix Töpffer en 2021), la connaissiez-vous avant?

Je la connaissais avant, mais nous nous sommes rencontrées pour la première fois à New York pour cette exposition dans cette galerie en 2022. Elle était très sympa et elle s'habille avec beaucoup de style (sourire). J'adore aussi son sens de l'humour et ses dessins. Elle travaille peut-être beaucoup sur ses dessins, mais en les voyant, on dirait qu'ils viennent d'être inventés. Son trait est tellement léger et simple et fun comme dans l'ensemble de ses œuvres. C'est très français.

Quelles sont vos influences dans la bande dessinée?

Oh, il y en a tellement ! C'est une question à laquelle j'aurais pu répondre plus facilement il y a trente ans. J'aurais pu vous faire la liste en un rien de temps. L'influence n'est pas essentiellement due au fait que l'artiste utilise le style qui nous plaît. Par exemple, Art Spiegelman est une grande influence, car il a été l'un des plus importants créateurs de bande dessinée alternative. Il a inventé la possibilité d'écrire une nouvelle sur l'Holocauste. Peu m'importe si je dessine ou écris comme lui. Il m'a beaucoup appris sur la BD. En ce moment, je lis beaucoup de mangas alternatifs des années 40 et 50. J'ai découvert un style nouveau pour moi qui n'était pas une grande fan de mangas. J'aime la simplicité et la beauté des lignes. Leurs dessins sont très communicatifs. J'essaie de comprendre comment ils dessinent, cela m'influence, même si je ne dessinerai jamais de manga moi-même. Daniel Clowes est l'un de mes artistes préférés. J'aime son storytelling, sa manière d'écrire. C'est un auteur génial. Beaucoup de personnes me parlent de mes ressemblances avec Hergé et le style Ligne claire. Je pense personnellement que ce qui nous lie n'est pas le style de dessin, mais le storytelling. Le fait qu'il est très clairvoyant, pas juste dans son trait, mais aussi dans ses histoires. Le fait qu'il dessine énormément de détails comme moi et que nous dessinons parfois jusqu'à vingt cases sur une page. C'est très facile à lire, on sait toujours où on se trouve dans l'histoire. En ce qui concerne le style, je pense avoir été plus inspirée par les cartoonists du New Yorker des années 40 et 50. Les choses changent continuellement. Aujourd'hui, mon illustrateur préféré est le tchèque Jiri Salamoun, avec un style grotesque et fou, à l'opposé du réalisme.

«Beaucoup de personnes me parlent de mes ressemblances avec Hergé et le style Ligne claire. Je pense personnellement que ce qui nous lie n'est pas le style de dessin, mais le storytelling

Notre dernière question concerne votre actualité. Qu'est-ce qui vous occupe actuellement?

L'année 2023 est très riche. Je suis mandatée pour deux projets, ça faisait longtemps que je n'avais pas fait cela. Habituellement, je travaille sur mes projets personnels. Les deux sont super passionnants et c'est problématique qu'ils soient tombés en même temps, car du coup je suis en retard sur les deux (sourire). Le premier est pour la ville de Paris. Trente stations de métro sont en train d'être construites autour de Paris et dans chaque station, un mur a été confié à un·e artiste. Je dessine la fresque de 25 mètres de la station Le Bourget – Aéroport et c'est beaucoup de travail (sourire). C'est un grand honneur d'avoir été sélectionnée parmi ces artistes. C'est très rare de pouvoir travailler sur un tel projet où on nous donne carte blanche.

Au même moment, on m'a proposé un autre projet impossible à refuser: une bande dessinée d'environ 30 pages à écrire. Ce n'est pas un livre, mais une histoire pour la bibliothèque nationale d'Israël. La bibliothèque déménage dans un nouveau bâtiment et pour l'occasion ils publieront un livre sur la bibliothèque du futur. Ce document contiendra des articles et des interventions d'artistes. Pour ma part, je m'occuperais d'une histoire sous forme de comics. C'est la première fois pour moi que j'invente une histoire de science-fiction. Encore quelque chose de nouveau et passionnant! Inventer le monde de demain, c'est très différent de ce que je fais d'habitude où l'humain est au cœur de mes histoires. Ici, ce qui prend du temps, c'est d'imaginer l'univers, ce qui va adviendra dans le futur.

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Prix Töpffer Genève

Yannis La Macchia: Naturellement

C’était un projet fou digne des meilleurs défis de l’OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle) : rassembler les «racontars» de milliers d’inconnu·e·s pour en faire une histoire. L’auteur en donne la généalogie dans l’album dont une version numérique cousine est disponible en ligne. Finalement, l’auteur produit moins un récit qu’un recueil de bribes rassemblées et recomposées. Mais qu’importe... Naturellement est une descente aux dessins, comme certains pourraient imaginer une descente aux enfers. Décoiffant, dépaysant, dérangeant, indéchiffrable aussi parfois, malgré une présence narrative et discursive riche qui contraste avec son précédent album Des bâtisseurs. Dans ce flux, au dessin virtuose, un fil conducteur se dégage: on suit un moment de la vie d’une petite communauté dont les membres véhiculent idéologies et sensibilités difficiles à concilier. À travers la figure d’un biologiste victime d’une «overdose», s’engage une exploration de la «nature», de l’artificialité du corps reconfiguré par la chirurgie, de l’évolution darwinienne aussi, aux traits accélérés, et de l’inquiétante possibilité – trop connue – de transformer le «tri» écologique en élimination sélective. En somme, un voyage visuel et mental, occasion d’interroger nos valeurs, nos engagements et notre capacité à vivre ensemble, à aimer et à rejeter.

Biographie

Né à Genève en 1985, Yannis La Macchia a été primé alors qu’il a juste 20 ans, par le jury des prix Töpffer (The beauty and new fashion hall: un aller-retour au Quelqueparistan). Depuis, il s’est affirmé comme une figure clé de la scène de bande dessinée romande. Auteur de 7 ouvrages, primé à Angoulême en 2013 et par la société de gestion des droits d’auteur française en 2018, il est également éditeur depuis 2004 au sein du collectif Hécatombe et explore l’écriture de bande dessinée en format numérique (collection RVB). Enfin, il s’est engagé en faveur de la communauté des artistes en étant co-fondateur de la Swiss Comics Artists Association.

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Prix Töpffer pour la jeune bande dessinée

Enzo Guillaume: Les cailloux, ça pousse dans le sol

Le titre Les cailloux, ça pousse dans le sol est inspiré d’une vieille croyance paysanne qui voudrait qu’à chaque labour, de nouveaux cailloux poussant dans le sol apparaissent. Le récit se déroule dans une après-midi caniculaire en milieu rural, et s’attache à représenter les liens entre les animaux et les humaines, mais aussi les relations des enfants entre eux. Dans la seconde partie de la narration, l’histoire se concentre sur l'évolution psychologique d’un des trois enfants en le faisant se positionner face au monde qui l’entoure. Récit puisé dans ses souvenirs, ses expériences, mais aussi dans des histoires qu'on lui a racontées, Enzo Guillaume présente, avec Les cailloux ça pousse dans le sol, un rapport désacralisé au dessin qui lui permet ainsi de transcender l'ensemble de cette histoire très solide d'un point de vue littéraire.

Biographie

Né le 12 décembre 2000, Enzo Guillaume a suivi la filière de l'ESBDI avant de se diriger vers le bachelor de la HEAD – Genève en communication visuelle. Très actif, il a participé à la création du collectif de dessin Poney Club, de l’atelier de sérigraphie et d’illustration Le boudoir et du collectif éditorial de bande dessinée indépendante et autoéditée Calquaire. Depuis 2020, année de l’autoédition de sa bande dessinée Dormance, sa pratique l’a amené à participer à des événements spécialisés dans les domaines du fanzine, de la microédition et de la sérigraphie. En 2023, Les cailloux, ça pousse dans le sol a remporté le Prix Fondation Joie de Lire et Caran d’Ache.

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Cérémonie des Prix Töpffer 2022

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Grand Prix Töpffer

Posy Simmonds

En 2022, le Grand Prix est attribué à Posy Simmonds. Posy Simmonds est née en 1945. Elle grandi près de Cookham dans le Berkshire, en Angleterre et suit des études de graphisme à la Central School de Londres. Lors de ses années d’études, elle travaille brièvement comme promeneuse de chiens, femme de ménage et gouvernante française (en Grèce).

En 1968, Posy Simmonds commence à travailler en tant que dessinatrice/illustratrice indépendante, contribuant à un large éventail de magazines et de journaux britanniques. Son dessin hebdomadaire dans The Guardian sur la bourgeoisie anglaise de gauche, commence en 1977 et dure dix ans. Des recueils de ces dessins sont publiés sous forme de livre, notamment True Love (1981) et Mrs Weber's Omnibus (2012).

Gemma Bovery inspiré de Gustave Flaubert, est publié en série quotidienne dans The Guardian en 1999 et Tamara Drewe en 2005-2006. Les versions livres ont été traduites en huit langues et les deux romans ont été adaptés au cinéma, Tamara Drewe réalisé par Stephen Frears en 2010 et Gemma Bovery réalisé par Anne Fontaine en 2014. Tamara Drewe a remporté le Grand Prix de la critique de l'ACBD en 2009; Cassandra Darke, publié en 2018, a été sélectionné pour le prix du polar en 2020 à Angoulême.

Posy Simmonds est également l'autrice de plusieurs livres pour enfants, parmi lesquels Baker Cat (le Chat du Boulanger) et Fred, dont la version filmée est nominée aux Oscars en 1996.

Son travail a été présenté au Museum of Modern Art d'Oxford et dans plusieurs expositions organisées par l'Arts Council et le British Council. Des rétrospectives de son œuvre ont été exposées au Centre belge de la Bande dessinée à Bruxelles en 2012, au Cartoonmuseum Basel en 2021 et à la Maison de la bd de Blois en 2021.

Elle est nommée membre de la Royal Society of Literature en 2005. Posy Simmonds est mariée au designer et écrivain Richard Hollis et vit à Londres.

Comment avez-vous appris que vous étiez lauréate du Grand Prix Töpffer? Quel était votre première réaction?

J’étais enchantée! C’était un jour gris lorsque j’ai reçu le coup de fil pour m’annoncer la nouvelle. Après cet appel, j’étais très heureuse, c’était une vraie belle surprise. Les métiers de l’illustration sont souvent très solitaires. Lorsqu’on reçoit un prix comme celui-ci, on se rappelle qu’on est lue et qu’on fait partie d’un tout.

Pouvez-vous nous parler du dessin que vous avez réalisé pour l’affiche des Prix Töpffer?

Au départ, je me suis demandé à quoi Genève me faisait penser. Je me rappelle y avoir goûté des chocolats merveilleux. J’adore le chocolat! J’ai intégré ensuite les autres éléments: les étudiants, Rodolphe Töpffer et beaucoup de neige.

Vous avez déjà une expérience de Genève?

J’y suis venue, mais il y a très longtemps pour des vacances. Je me souviens avoir nagé dans le lac. Je connais mieux Zurich car mon éditeur se trouvait là-bas.

Que vous évoque Rodolphe Töpffer?

Son trait était très fluide. Il parlait avec sa plume. Ses personnages sont pleins de vitalité. Il fait toujours attention aux détails. C’est une figure importante pour moi.

Quelles sont vos influences chez les bédéistes francophones?

J’adorais Claire Bretécher qui est décédée récemment. J’ai vu son nom pour la première fois dans les années 80, j’aimais beaucoup son travail. Je me souviens avoir acheté ses livres en France. Il me semble qu’on travaille dans le même univers elle et moi. J’aime bien aussi Jacques Tardi et David Prudhomme. Il y en a beaucoup que j’aime!

«Claire Bretécher et moi travaillons dans le même univers»

Comment êtes-vous tombée dans le bain de la bande dessinée et de l’illustration?

J’ai toujours été passionnée par le dessin. Je dessinais tout le temps quand j’étais petite. J’ai fait du graphisme à Londres pendant quatre ans. En quittant la Central School of Art and Design de Londres, je me demandais ce que j’allais faire. J’ai commencé à dessiner pour des journaux à Londres où j’habitais. Les commandes arrivaient toujours à la dernière minute; je recevais le sujet à 11h du matin et je devais remettre mon dessin vers 17h, je travaillais toujours sous pression. J’ai commencé à dessiner pour The Guardian en 1972.

En 1977, j’ai rencontré l’éditeur du journal dans l’ascenseur, il m’avait demandé «Posy, avez-vous déjà pensé à faire un strip?». Je me suis dit «Quoi? Un striptease?». Il m’a répondu que c’était pour réaliser une BD [en anglais, le mot strip désigne une case de BD] car une place s’était libérée et il voulait que je sois celle qui remplisse cet espace. J’ai alors créé la famille Weber. Cette BD a duré pendant onze ans dans The Guardian. Elle était diffusée une fois par semaine sur une demi-page ce qui donne une belle visibilité. Au début, c’était très difficile, puis ça s’est amélioré. À cette époque, les lecteurs écrivaient encore des lettres, j’en ai reçu tellement! Si j’écrivais une histoire sur un divorce, je recevais des courriers où on me demandait «Je suis en plein divorce, que dois-je faire?», on me demandait des conseils sur les poux… j’étais surprise et ne pouvais évidemment pas répondre. C’était devenu «le courrier des lecteurs»!

Est-ce qu’on travaille différemment avec la pression?

Lorsque je travaille sous pression, mon esprit fait des étincelles. Si j’ai trois mois pour faire quelque chose, je fais tout à la dernière minute. Ce n’est pas très bon pour la santé, mais j’ai toujours travaillé comme ça. Ce sont les contraintes d’un journal.

Mes bandes dessinées Tamara Drewe et Gemma Bovery ont commencé dans le journal comme des feuilletons avant de devenir des bandes dessinées. Gemma Bovery était publiée au rythme d’un épisode par jour, c’était dur de tenir le rythme. Tamara Drewe, c’était deux épisodes par semaine. Les histoires étaient écrites au fur et à mesure.

«Lorsque je travaille sous pression, mon esprit fait des étincelles»

Quel est votre rapport à la jeune génération de bédéistes et d’étudiant·e·s ?

Je n’ai jamais enseigné, mais quelques étudiants et étudiantes m’ont posé des questions. Lorsque j’ai publié Gemma Bovery, c’était la première fois que j’allais en France à Angoulême. C’était génial de se rendre compte que je faisais partie d’une grande famille, celle de la BD. Pour les étudiant·e·s, je suis un dinosaure. Je fais tout à la main, je ne suis pas bonne avec les nouvelles technologies. Quand un·e étudiant·e me demande quel programme j’utilise pour la couleur, je lui réponds que je travaille manuellement. Je crois qu’en Suisse beaucoup d’étudiant·e·s fonctionnement également comme ça.

«Quand un étudiant me demande quel programme j’utilise pour la couleur, je lui réponds que je ne travaille qu’à la main. Pour les jeunes, je suis un dinosaure!»

Qu’est-ce que vous pensez transmettre aux étudiant·e·s de la HEAD et du CFP Arts lors des workshops que vous réaliserez avec elles et eux à Genève?

Je veux leur apprendre à regarder, à prendre des notes, à relever comment les gens parlent, comment ils s’asseyent, comment ils posent. Il faut être curieux. Comment ceci fonctionne? Pourquoi un chat marche? Dans un dessin, chaque détail doit être parlant, il a la même utilité qu’un mot dans un roman. Vous devez savoir comment les personnages agissent et écrire les bulles, votre message doit être clair et concis. Parfois, les phylactères sont tellement longs et verbeux. C’est ce genre de choses que j’ai passé ma vie à faire et qui pourrait peut-être leur être utile.

«Pour être dessinatrice, il faut être curieuse. Se demander comment telle chose fonctionne, pourquoi un chat marche… C’est ce que j’ai passé ma vie à faire.»

Le monde est dans un état critique, quels sont les sujets actuels qui vous inspirent?

Ce que je vois tous les jours. J’habite Londres, vous pouvez entendre le cri de la vie au quotidien, partout. J'ai beaucoup marché, surtout à l’époque du confinement. J’ai pris des notes, dessiné des croquis. La vie quotidienne de tout le monde m’inspire. Mon inspiration peut aussi être politique. Si je prends ce cahier de croquis par exemple, il est rempli de sans-abri qui dorment dans la rue, à côté de containers à poubelle. Ces personnes me font penser à des chrysalides.
Quand j’ai rejoint The Guardian, il y avait déjà des dessinateurs politiques alors ils m’ont demandé de dessiner sur des sujets de société. Je n’ai cessé de le faire depuis. Même si je ne dessine plus de manière régulière pour ce journal, je continue ponctuellement à leur proposer des dessins. Je ne souhaite plus devoir tenir tous ces délais.

«Lorsque je marche dans Londres, je peux entendre le cri de la vie. La vie quotidienne m’inspire.»

Qu’est-ce que vos bandes dessinées disent de vous? Est-ce que certains de vos personnages vous ressemblent?

Hum, je n’espère pas! Pour Gemma Bovery, l’idée m’est venue alors que nous étions en Italie sur la terrasse d’un café. On a entendu des soupirs et vu une très belle femme qui venait de faire son shopping avec son Jules qu’elle traitait comme un chien. Elle soupirait constamment et fumait. On s’est exclamé «c’est Madame Bovary» et ça m’a donné l’idée. À cette époque, beaucoup d’anglais achetaient des maisons secondaires en Normandie, en Bretagne et en Provence. C’est comme ça qu’est née cette histoire. Pour ma part, à la même période, j’avais une maison secondaire dans le sud-ouest de l’Angleterre, je comprenais donc très bien ce qui coinçait entre les gens de la ville et de la campagne. Ce livre était aussi un hommage au grand Gustave Flaubert.

Vous avez été présidente du jury à Angoulême et le serez prochainement pour les Prix Töpffer [la lauréate du Grand Prix participe à la nomination du Grand Prix de l’année suivante], comment appréhendez-vous ce rôle?

C’est un grand honneur pour moi. À Angoulême, j’avais très peur de juger tous ces livres en français. Lors des discussions en français, parfois mon vocabulaire n’était pas assez précis, mais ça s’est bien passé. C’est une grande responsabilité de juger les autres. J’ai également été jury en Angleterre, ce qui est plus facile pour moi que d’être jury dans une autre langue.

«C’est un grand honneur, mais aussi une grande responsabilité de juger le travail des autres»

Deux de vos bandes dessinées ont été portées au cinéma. Avez-vous suivi ce processus?

Avec les deux films, j’avais simplement un petit rôle de conseillère. J’ai suivi l'avis d’un ami qui avait aussi eu droit à des films tirés de ses livres, il m’a dit «Prends l’argent et cours». D’une certaine manière, j’ai fait ça, mais j’étais disponible pour répondre aux questions des réalisateurs lorsqu’ils ne comprenaient pas quelque chose. Le film Tamara Drewe est très fidèle à mes personnages, mais un film reste très différent d’un livre. Cela ne doit pas nécessairement être une simple transposition.

Quels sont vos projets?

Je suis en train de construire un nouveau roman pour les adultes. L’histoire se déroulera pendant les années de ma jeunesse, les années 50 et 60. J’ai repris mes journaux personnels de l’époque comme inspiration.



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Prix Töpffer Genève

Sarah André: Bande originale

Reprenant l’intégralité du texte d’une pièce de théâtre montée en 2021, Sarah André explique que le projet scénique s’est construit à partir d’une œuvre musicale commandée à Nicolas Stücklin: bande originale. Le titre est resté. Du spectacle, le dessin reprend également les masques créés à cette occasion pour les trois personnages incarnant métaphoriquement la force des liens tissés entre l’auteure et les deux autres comédiens de la compagnie Old masters. Réflexion désenchantée mais pleine d’humour sur le monde, ses hiérarchies ou sa violence, l’œuvre se déploie comme une déambulation onirique en noir et blanc alternant la fixité des trois personnages assis côte à côte et des envols, des rondes ou des scènes désordonnées. Ce petit conte philosophique propose d’interroger nos manières de vivre depuis la caverne quasi platonicienne où vivent les trois personnages qui font le pari de pouvoir modifier imperceptiblement notre réalité. On ne dira pas si le pari est gagné, mais sans doute, le temps d’une lecture, sera-t-il donné l’occasion de s’évader et de partager les valeurs fondamentalement égalitaires qui unissent des âmes sœurs.

Biographie

Née en 1984, Sarah André est diplômée de l'école cantonale d'art de Lausanne (2008). Par-delà sa spécialisation en arts visuels, elle construit sa pratique artistique en tant qu'auteure, scénographe ou illustratrice. Dès 2012, sous le nom de André André, elle publie ses travaux de dessin, posters ou albums, aux Éditions Ripopée (Nyon). Céramiste, elle a présenté ses créations à Genève en 2018 à Halle Nord lors d’une exposition intitulée Arrêtez de m'émouvoir avec toute cette eau.

Amoureuse du théâtre, elle travaille avec Chiara Petrini et Vincent Deblue au sein de la compagnie Rucksack Gogoplex dès 2013. En 2016, avec Marius Schaffter et Jérôme Stünzi, elle crée le collectif Old Masters, lieu de création théâtrale où écriture, matérialité des objets et art des masques participent d’un même projet. Ainsi les œuvres Fresque en 2017, l'Impression en 2018, et Le Monde en 2019 précèdent la production de la pièce Bande Originale par le Grütli et l’Arsenic en 2021, dont est issue la bande dessinée. Une exposition des planches de l’album est présentée au Théâtre Saint-Gervais à l’automne 2022.

Artiste aux multiples talents, elle s’associe à Yvonne et Lisa Harder en 2018, pour créer le trio vocal minimaliste Alice pour lequel elle compose et écrit des chansons.

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Prix Töpffer pour la jeune bande dessinée

Diana Vlasa: Des fleurs, des filles ou des garçons

Une narration griffée vigoureusement à la mine de plomb pour des histoires de rencontres qui se succèdent, mais qui ne se ressemblent pas. Fil conducteur de Des fleurs, des filles ou des garçons, le thème galvaudé des réseaux sociaux oscille entre une enfance idéalisée et des tentatives d'amourettes souvent décevantes. Malgré la disparité des scènes, l'ensemble parvient à s'enchaîner avec une grande fluidité notamment grâce à la vitalité du trait et au rythme des cases alternant avec des pleines pages pensées comme des tableaux silencieux. Avec originalité et en évitant les clichés de la thématique – la question du sexe est par exemple parfaitement évitée – Diana Vlasa ne tombe pas dans les écueils de l'exercice et maîtrise le sens de l'ellipse qui parfois nous perd, parfois nous amuse.

Biographie

D'origine roumaine, Diana Vlasa est née en 2000. Graphiste, animatrice et illustratrice, elle a étudié la communication visuelle à la HEAD de Genève et poursuit actuellement sa formation en motion design à Gobelins, l'école de l'image à Paris. En 2022, elle a été deuxième lauréate du Concours Jeunes Talents du Festival international de bande dessinée d'Angoulême.

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Cérémonie des Prix Töpffer 2021

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Grand Prix Töpffer

Catherine Meurisse

Lire le laudatio de Catherine Meurisse par Alain Boillat (pdf 3.2 mo)

En 2021, le Grand Prix est attribué à Catherine Meurisse. Catherine Meurisse est née en 1980. Dessinatrice, autrice, caricaturiste, reporter et illustratrice d'albums pour la jeunesse, Catherine Meurisse est une artiste prolifique. Aiguisant son regard et son trait pendant quinze ans dans de nombreux titres de presse francophones (Le Monde, Libération, Les Échos, L'Obs'...) et plus particulièrement à Charlie Hebdo, elle réalise des bandes dessinées où l'esprit de sérieux n'a pas sa place.

Après Mes hommes de lettres, Le pont des arts (Sarbacane), Moderne Olympia (Futuropolis) et Drôles de femmes (avec Julie Birmant), elle publie en 2016 La Légèreté, récit bouleversant de son retour à la vie, au dessin et à la mémoire, après l'attentat contre Charlie Hebdo auquel elle a échappé. Toujours chez Dargaud, après l'effronté Scènes de la vie hormonale paraît Les grands espaces, évocation de son enfance à la campagne, où se mêlent souvenirs savoureux et conscience esthétique et politique du paysage rural.

En 2019, elle publie Delacroix, adaptation graphique toute personnelle des mémoires d'Alexandre Dumas, grand ami du peintre Eugène Delacroix. Son nouvel album, La jeune femme et la mer interroge la place de l'humain dans la nature et le recours à l'art pour saisir les paysages qui disparaissent. En 2020, année où une grande rétrospective lui est consacrée à la BPI du Centre Pompidou, Catherine Meurisse devient la première autrice de bande dessinée membre de l'Académie des beaux-arts. En 2021, l'autrice se voit décerner le Grand Prix Töpffer de la bande dessinée et une exposition lui est consacrée au Cartoon Museum de Bâle.

Le public aura la joie de vous rencontrer le 3 décembre 2021 à Genève. Quels sont vos liens avec cette ville?

La première fois que je suis venue en Suisse, c’était en 2004 pour de la BD déjà puisque, diplômée de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, mon travail de fin de cursus avait été publié à Genève, chez Drozophile Quiquandquoi. Ma toute première BD! Intitulée Causeries sur Delacroix, je l’ai par la suite retravaillée en 2019 pour une réédition chez Dargaud, mon éditeur actuel. J’ai repris ce travail de jeunesse édité à Genève, je l’ai en partie redessiné, j’y ai mis des couleurs, réinjecté de la peinture plus flamboyante… et un peu de maturité.

Qu’est-ce que Rodolphe Töpffer et son époque vous évoquent?

Quand j’ai travaillé à Charlie Hebdo, nos maîtres étaient ces dessinateurs, pionniers de la caricature: Daumier, Töpffer, Gavarni, Grandville. Cabu ne parlait que de Daumier! À cette époque, et encore plus à mesure qu’on avance dans le 19e siècle, beaucoup de peintres et de dessinateurs étaient de bons écrivains et ces derniers eux-mêmes dessinaient formidablement bien, comme par exemple Victor Hugo qui était un illustrateur hors pair. En ces temps-là, les frontières étaient floues entre littérature et dessin/peinture, j’ai l’impression que c’était une grande famille et c’est en ça que cette période me fascine. Des ponts étaient en permanence jetés entre les arts.

Vous avez réalisé le dessin de l’affiche 2021 des Prix Töpffer. Pouvez-vous nous parler de cette image?

Le personnage tiré des bandes dessinées de Rodolphe Töpffer portait une perruque et une lavallière qui m’ont tout de suite fait penser à des phylactères. Les bulles de BD se joignent ensuite avec les nuages. Chez Töpffer, le cavalier est masculin. Je l’ai adapté en un personnage plus androgyne ; on pourrait imaginer qu’il s’agit d’une jeune femme. Les montagnes et les nuages m’ont été inspirés par le peintre suisse Hodler et ses tableaux du lac de Thoune. Hodler est un peintre que j’aime beaucoup: je suis envoûtée par ses ciels, ses reflets, sa palette… c’était l’occasion de réinjecter du Hodler dans cette affiche et de le confronter à Töpffer. Cette pratique est courante dans mon travail où j’aime mélanger mes influences et les époques pour produire un dessin personnel. Pour la technique, j’ai travaillé à la gouache mais mon outil de travail habituel c’est la plume, comme Töpffer. Hodler utilise un bleu très beau, très particulier. En réalisant l’affiche, je me suis rendue compte que la couleur complémentaire était ce rose fuchsia utilisé pour le cheval - à l'origine un rose presque fluo.

Le Grand prix Töpffer a dans son ADN l’idée de la transmission puisqu’il intègre la présence de HEAD et l’ESBDI, deux écoles qui forment des illustrateurs et illustratrices. Que souhaitez-vous dire aux jeunes qui choisissent ces filières?

Je suis très curieuse de les voir parce qu’il y a des jeunes auteurs et autrices époustouflant-e-s. C’est très difficile de répondre personnellement à cette question. Ce qui est certain c’est que dans mon cursus, ce qui m’a aidé, c’est de faire des rencontres avec des artistes et des peintres expérimenté-e-s. Elles et ils m'ont ouvert des fenêtres mentales. Je retiens que dans ce métier, dans lequel il n’est pas facile de vivre de son dessin, il est important de rester ouvert-e à toute forme de publication. Quand j’étais étudiante et que je ne savais pas trop quoi faire de mon dessin, j’imaginais devenir illustratrice jeunesse et finalement, c’est le dessin de presse qui m’est tombé sur le coin de la figure par hasard! J’ai rencontré les dessinateurs de Charlie qui m’ont parlé de politique ou de culture; ils m’ont fait faire du reportage, je suis allée dans les rues des villes et j’ai fait des choses qui n’avaient rien à voir avec mes études d’art. Tout ça m’a fait mûrir et se retrouve ensuite dans mes livres. Il faut vraiment être ouvert-e au monde et ne pas rester trop concentré-e sur son dessin ou son style. Les artistes sont des éponges, il faut rester éponge toute sa vie.

Est-ce que ça sert encore à quelque chose de gagner des prix aujourd’hui?

Je n’ai pas gagné beaucoup de prix. J’ai souvent été nominée! J’ai eu le Grand écureuil d'or d’Angoulême quand j’étais lycéenne, j’avais 16 ans. J’ai aussi eu le plaisir d’être lauréate à Genève du Prix Töpffer international en 2016 pour La légèreté. Ça m’a beaucoup touché parce que l’album parle de la période d’après l’attentat contre Charlie et de ma reconstruction à travers les arts: il y a cette beauté qui peut nous sauver. Quand j’ai publié l’album en France, j’étais persuadée que personne ne comprendrait mon histoire et que je serais vraiment seule dans cette prison post-traumatique. J’ai eu le bonheur de découvrir que cet album était très partagé, même au-delà de la France.
Je crois que les Prix sont utiles mais ce serait encore plus utile de les doter mieux – et là je parle pour la France car en Suisse je crois qu’on est plus généreux sur ce plan! Les prix BD dotés en France sont très rares et c’est dommage car ça donne un gros coup de pouce aux autrices et auteurs.

Pour aller plus loin:
Catherine Meurisse. L’humour au sérieux. Exposition au Cartoonmuseum Basel, du 6 novembre 2021 au 13 mars 2022
Catherine Meurisse, La jeune femme et la mer. BD parue le 29 octobre 2021, éditions Dargaud, 116 p.



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Prix Töpffer Genève

Isabelle Pralong (1967) & Fabrice Melquiot (1972)

Un homme et une femme en duo pour un album qui offre une magnifique symbiose entre dessin et texte. Un duo qu’on voudrait voir constitué pour déjouer les partages et classifications usuelles de genre qui sont au cœur du propos. Mais des auteur.e.s qui ont eu leur chemin respectif.

Isabelle Pralong rejoint Genève après ses études de design à Milan. Enseignante à l'École supérieure de bande dessinée et d'illustration de Genève (ESBDI), son activité de dessinatrice débute au début du 21e siècle. Couronnée par deux fois dans le cadre des Prix Töpffer (L’Éléphant 2007 ; Oui, mais il ne bat que pour vous, 2011), elle est également honorée par le festival d’Angoulême (L’Éléphant, Prix Essentiel Révélation en 2008).

Fabrice Melquiot à Genève, tout le monde le sait: c’était le directeur du Théâtre Am Stram Gram, centre international de création pour l’enfance et la jeunesse. Mais Fabrice Melquiot, c’est une plume, le verbe du dramaturge, le sens de la mise en scène. Un homme également célébré à travers les traductions de ses œuvres et récompensé par de nombreux prix en France, parmi les plus prestigieux.

Polly (La Joie de lire)

«Et voilà», entendra-t-on: «encore un truc dans l’esprit du temps, pour suivre le trend. LGBT et tutti quanti. C’est quoi cette fois? Ah, l’intersexualité ! Ni homme, ni femme. Ben voyons…»

On les prend au mot, à la lettre: oui, voyons. Ouvrons les yeux, regardons avec Fabrice Melquiot et Isabelle Pralong. Trente ans de vie racontés pour dire notre envie de normalité, notre désir de «faire le bien» à tout prix pour réparer les erreurs de la nature (en ces temps pandémiques, c’est cinglant) car «flotter» ce n’est évidemment pas possible. Tel un leitmotiv répété tout au long de la vie du personnage Polly: «le monde tranche, définit, détermine, range, organise, classifie». Et l’ouvrage de s’emparer de ce qui se trame dans l’usage des mots par les humains. À travers un dessin d’une grande délicatesse où le paroxysme de la crise est fait des seules lettres des mots prononcés par Polly pour s’émanciper, une invitation poétique et universelle à refonder nos liens, pour se rendre compte qu’il est des questions bien inutiles et pas seulement pour identifier le sexe d’autrui.

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Prix Töpffer pour la jeune bande dessinée

Cassandre Tornay (2000)

Diplômée de l'École supérieure de bande dessinée et d'illustration de Genève (ESBDI), Cassandre Tornay est originaire de Monthey en Valais, où elle a obtenu une maturité en option arts visuels. Passionnée de voyages et de dessin, elle se trouve souvent au bord d'une route, un crayon à la main.

Boa

Toncar et Boa, un dalmatien au cou élastique et un garçon aux jambes molles, sont les deux protagonistes d'une amitié improbable. À priori sans atomes crochus, ils tissent progressivement une relation qui s'incruste graphiquement dans des jeux de pleins et de vides, de noirs et de blancs ponctués de fonds arc-en-ciel par endroits. Dans ce petit livre, les pages se lisent soit en une narration suivie soit se picorent librement. Suivant un fil de pensées, le dessin conserve la spontanéité du trait enlevé et inventif du croquis. Une valse d'images et de mots parfaitement équilibrée, qui démontre que la logorrhée peut être poésie et que la narration ne saurait se passer du texte ou de l'image, à moins que ce ne soit le contraire.

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Grand Prix Töpffer

Dominique Goblet

Dominique Goblet est née en 1967 à Bruxelles et a étudié l’illustration à l’Institut St-Luc. Elle expose régulièrement peintures et sculptures en Belgique et à l’étranger. Ses techniques mixtes et ses influences multiples sont mises au service d’une écriture graphique unique.

Son premier livre, «Portraits crachés», publié aux éditions Fréon, recueillait récits et images parus dans les revues emblématiques du renouveau de la bande dessinée des années 90. En 2007, la parution du livre «Faire semblant, c’est mentir» à L’Association crée l'événement. Débuté 12 ans auparavant, ce projet autobiographique et expérimental s’interroge tant sur la représentation et l’intime que sur la fiction et le temps.

En 2010, elle achève «Chronographie», recueil des portraits qu’elle fait de sa fille et que sa fille fait d’elle depuis 2002. Elle a ensuite publié le fruit d'autres collaborations originales: «Plus si entente», co-écrit avec l’auteur Kai Pfeiffer, aux éditions Frémok et Actes Sud BD en 2015 et l'Amour dominical, co-écrit avec Dominique Théate, aux éditions Frémok (sélection officielle du Festival d'Angoulême 2020). Tous ces ouvrages ont, chacun à leur manière, marqué la bande dessinée de notre temps.

Le jury a souhaité récompenser Dominique Goblet notamment pour l’influence déterminante que son œuvre, d’une grande liberté formelle, a eue et continue à avoir sur plusieurs générations d’artistes. L’artiste aime d’ailleurs transmettre, comme en témoigne sa pratique d’enseignante à l’Ecole supérieure des arts de Saint-Luc à Bruxelles. Ainsi c’est avec aisance et intérêt que Dominique Goblet a participé à la conception, par les étudiant.e.s de la HEAD, d’une exposition spéciale à l’occasion de ce Grand Prix, reportée au printemps prochain.

La côte belge, du côté d’Ostende. Désuète et mélancolique. C’est là que Dominique Goblet a séjourné durant le confinement en ce printemps 2020. Dans la tradition des peintres de marine elle y observe et fixe ce paysage austère sur le papier. Elle en tire des gouaches dont les personnages sont absents (ou presque), empreintes de solitude. En contrechamp de ce froid décor, les textes de son compagnon Guy-Marc Hinant dévoilent la vie cachée des dunes, des corps ardents et fébriles.

Les étudiant.e.s ont été invité.e.s à s’approprier les images proposées, à bousculer les codes habituels du rapport texte-image en bande dessinée pour créer, par la scénographie elle-même, une poésie narrative. Que se passe-t-il lorsque le personnage perd sa place souveraine? Et si c’était le paysage qui devenait alors le personnage?

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Prix Töpffer Genève

Pierre Schilling

Né en 1989 à Melbourne mais vite de retour en Suisse, Pierre Schilling se voue au dessin très jeune et se nourrit de Dragon Ball, Thorgal ou des Chroniques de la Lune Noire. En 2012, il publie Pain d’Épices aux Éditions Drozophile. A Genève, après des études de bande dessinée au CFP Arts, où il enseigne actuellement, et un Bachelor en graphisme à la HEAD - Genève, il travaille en tant que web-designer et professeur d’illustration.

«SUR LA ROAD» - Éditions Collection RVB, 2020

Dans la ligne éditoriale revendiquée par Collection RVB, Sur La Road est une aventure ludique fondée sur la fluidité du scrolling à l’écran, jouant sur les verticales des paysages comme sur la succession des plans à voir et à lire dans un continuum facilitant les allers-retours ou les pauses. Entrée en matière orageuse où la route se dessine comme un croissant de lune… et c’est parti. Triple narration et soleil à l’horizon. Par la suite, le déploiement se fait au gré des clics du lecteur pour suivre telle ou telle branche d’une histoire déjantée, pleine de trouvailles visuelles et de clins d’œil, à l’image de cette citation inattendue du hit sirupeux de Benny Mardones, mort quasi oublié en 2020… Jeu de piste autant que road comic qui participe du plaisir éprouvé.

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Prix Töpffer pour la jeune bande dessinée

Melchior Best

Né en 1996, titulaire d'une maturité OS arts visuels, Melchior Best a obtenu en juin 2020 un diplôme de l'Ecole supérieure de bande dessinée et d'illustration de Genève (ESBDI) du CFP Arts. Il a participé à différents projets collectifs. Il poursuit actuellement ses études en communication visuelle, option Image/Récit, à la HEAD – Genève.

AU CREUX DE LA PAUME

Circulation, respiration: deux mots-clés qui accompagnent la lecture de cette proposition originale de Melchior Best. Lequel écrit dans sa note d'intention «mon projet est de traduire une petite polyphonie, un état d'écoute et d'attention au monde». Cette errance poétique qui expérimente différentes techniques graphiques (dessin, monotype) est une véritable invitation au voyage entre le dehors et le dedans, portée par le souffle de Nicolas Bouvier, cité en exergue. D'abord fermée, la paume s'ouvre au fil du texte et déroule ses chemins, tracés de liberté. Avec brio, l'auteur explore ses multiples influences (dont une certaine Dominique Goblet…) pour mieux s'en affranchir.

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Grand Prix Töpffer

Nikita Mandryka

Co-fondateur de l’Écho des Savanes, rédacteur en chef de Charlie Mensuel, dessinateur chez Spirou, Vaillant, Pif, il est aussi le créateur du célèbre Concombre masqué et de ses aventures potagères.

Bien souvent réduite à sa dimension absurde et humoristique, l’œuvre de Mandryka trouve -dans les deux expositions qui lui sont consacrées à la Bibliothèque de Genève et à la HEAD - l’occasion d’une relecture à la lumière des très nombreuses références littéraires et visuelles qui irriguent son univers depuis plus de 50 ans.

Le Couloir des coups d’œil de la Bibliothèque de Genève se transforme en couloir du cactus blockhaus, emblématique habitat du Concombre masqué. Faisant dialoguer des planches originales de diverses périodes avec des citations littéraires et philosophiques, cette plongée Dans la bibliothèque du Concombre met en évidence un vaste tissu référentiel tendu entre Lewis Carrol et le Tao en passant par Lacan et Kafka.

À la HEAD, l’exposition immersive Cosmic Stories propose, quant à elle, d’embarquer dans le vaisseau spatial issu du comic-book de science-fiction éponyme qui paraît pour l’occasion. Seul maître à bord, Mandryka guide la déambulation du spectateur ; entre hommage et détournement de ses lectures d’enfance, il l’invite à suivre l’élaboration des pages de ce comic inédit.

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Prix Töpffer Genève

Helge Reumann

Né à Uster en 1966, vit à Genève.

SUV - Éditions Atrabile, 2019

Dans SUV, Helge Reumann ne change pas de cap et travaille toujours les mêmes obsessions: violence urbaine et nature austère domptée par l’homme, règlement de compte à coup de tatane, et une méfiance généralisée pour tous ceux, et celles, qui marchent au pas. Il y a bien de la folie, et de l’humour, dans SUV, mais distillé à la sauce Reumann, avec une mise en page et un trait aussi rigoureux que beau, un côté pince-sans-rire qui sait faire des ravages, et une ambiance inquiétante et étrange qui est presque devenue une marque de fabrique. Le travail d'Helge Reumann, qui ne soucie pas des frontières entre art contemporain et bande dessinée, imprègne durablement la rétine et le cerveau.

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Prix Töpffer pour la jeune bande dessinée

Jeff Délez

Né à Genève en 1997, Jeff Délez est titulaire d'un CFC de graphisme et d'une maturité professionnelle artistique du CFP Arts, il a obtenu en juin 2019 un bachelor en communication visuelle, option Image/Récit – Bande dessinée et animation, à la HEAD – Genève. Il est lauréat du prix Caran d'Ache /HEAD 2019.

"Il y a trois choses qui me passionnent dans la vie : dormir, observer et travailler". Ainsi débute le récit du narrateur-auteur qui avoue son obsession du détail: "c'est dans le fragment que je trouve mon bonheur". Bonheur partagé avec le lecteur ou la lectrice, plongé.e au fil des pages dans une passionnante réflexion sur le rapport à l'espace et sur le médium du dessin, qui sollicite les sens et l'émotion. Les nombreuses trouvailles graphiques et textuelles, qui associent par exemple l'infiniment petit et l'infiniment grand, tout à la fois saisissent et enchantent.

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Grand Prix Töpffer

Jean-Christophe Menu

Bien sûr, Jean-Christophe Menu dessine. Et, dans le même temps, il a un travail de critique et d’historien de la Bande Dessinée. Cela le conduit à jouer entre textes et images, à donner une place prépondérante à l’écrit à l’intérieur même de ses Bandes Dessinées.

Ses récits parcourent des imaginaires extravagants, proches d’une attitude surréaliste. L’incroyable de ses univers côtoie un ancrage dans le réel composé d’un florilège d’histoires autour de sa propre vie. Voir son quotidien comme une bizarrerie déraisonnable. Ses points de vue et son expression graphique sont le prétexte à se positionner constamment face à un monde rigide, médiocre, suffisant.

Pour montrer cette complexité nous avons travaillé comme des archéologues, analysant par strate l’ensemble de son territoire dessiné et écrit. Couche après couche nous avons reconstitué une autre lecture de ce travail, mettant en avant l’entrelacement des sujets et des préoccupations.

Ce dispositif analytique permet d’appréhender sa pensée, de comprendre la capillarité et les liens subtils qui se forment entre chaque élément dans un dialogue permanent et conscient.

Au regard de ce qui nous a été donné à parcourir, nous avons ouvert une petite trappe donnant accès à une pensée prolifique. Nous sommes loin d’en faire le tour, d’en avoir découvert tous les Recoins

Conception et réalisation :
Anne-Soorya Takoordyal,
Maël Bächtold,
Tristan Bartolini
Assisté de Gaëtan Stierlin

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Prix Töpffer Genève

Baladi

Tout juste une année après la parution du premier volume (Décrire l’Egypte, ravager la Palestine), voilà le deuxième épisode de cette «série» en tout point unique, épisode sous-titré ce coup-ci Décrire l’Empire ottoman autour de 1830. Pour rappel, Décris-Ravage est une adaptation en bande dessinée de la pièce éponyme d’Adeline Rosenstein, et comme dans le premier épisode, on retrouve ici la même volonté d’explorer les relations complexes qui lient Moyen-Orient et Occident. Un pied dans les événements d’aujourd’hui, un autre dans ceux d’hier, Décris-Ravage est une œuvre éminemment politique, mais qui ne fait pas l’impasse sur de vraies recherches (et questionnements) historiques.

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Prix Töpffer pour la jeune bande dessinée

Hugo Baud

Né à Genève en 1994, Hugo Baud étudie à l'Ecole supérieure de bande dessinée et d'illustration de Genève. Il a réalisé une exposition personnelle à la Galerie Forde à Genève et a participé à des expositions collectives, notamment au Swiss Institute à New York.

Inclassable, provocateur, talentueux. Dans ce quatrième opus présenté au jury, on retrouve les caractéristiques propres au travail d'Hugo Baud. On appréciera la constance, mais surtout la liberté assumée qui débouche sur une narration graphique aux limites de l'intelligible. Le gaufrier simplissime (6 cases de taille égale) est exploité comme un vaste terrain de jeu où tous les coups sont permis. L'expérimentation est reine, mêlant traits grossiers au feutre et tampons enfantins. A découvrir.

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Édition 2017
  • Prix Töpffer Genève : Pascal Matthey pour «Les Têtards», Éditions l'employé du Moi, 2017
  • Prix Töpffer international: Hugues Micol pour «Scalp, la funèbre chevauchée de John Glanton et de ses compagnons de carnage», Éditions Futuropolis, 2017
  • Prix Töpffer de la jeune bande dessinée: Sam Fagnard pour «Modern days: Livre 1».
Édition 2016
  • Prix Töpffer Genève : Peggy Adam pour «Plus ou moins…L’Hiver», Éditions Atrabile, 2016.
  • Prix Töpffer international: Catherine Meurisse pour «La légèreté», Éditions Dargaud, 2016.
  • Prix de la jeune bande dessinée du canton de Genève: Camille Valotton pour «Speculum Mortis».
Édition 2015
  • Prix Töpffer international: Killoffer pour «Killoffer tel qu’en lui-même enfin», Éditions l’Association, 2015.
  • Prix Töpffer Genève: Alex Baladi pour «Autoportrait (13.11.2013 – 14.11.2014)», Éditions Atrabile, 2015.
  • Prix de la jeune bande dessinée de la République et canton de Genève: Maurane Mazars pour «Acouphènes».
Édition 2014
  • Prix Töpffer international: David Vandermeulen pour «Des choses à venir, Fritz Haber vol. 4», aux éditions Delcourt, 2014.
  • Prix Töpffer Genève: Helge Reumann pour «Sexy Guns», aux éditions United Dead Artists, 2014.
  • Prix de la jeune bande dessinée de la République et canton de Genève: Barbara Meuli pour «Cligne-musette».
Édition 2013
  • Prix Töpffer international: Marc-Antoine Mathieu, «Le Décalage» aux Éditions Delcourt, 2013.
  • Prix Töpffer Genève: Tom Tirabosco et Christian Perrissin pour «Kongo. Le ténébreux voyage de Józef Teodor Konrad Korzeniowski», aux Éditions Futuropolis, 2013.
  • Prix de la jeune bande dessinée de la République et canton de Genève: Andrea Bonnet pour «Marcovaldo».
Édition 2012
  • Prix Töpffer international: David Prud'homme pour «La Traversée du Louvre».
  • Prix Töpffer Genève: Sacha Goerg pour «La Fille de l'eau».
  • Prix de la jeune bande dessinée de la République et canton de Genève: Martin Panchaud pour «La couleur des choses».
Édition 2011
  • Prix Töpffer international: Christian Cailleaux pour «Les longues traversées».
  • Prix Töpffer Genève: Isabelle Pralong pour «Oui, mais il ne bat que pour vous».
  • Prix de la jeune bande dessinée de la République et canton de Genève: Tatiana Nazarova pour «Carpe Diem».
Édition 2010
  • Prix Töpffer international: Gabrielle Piquet pour «Les enfants de l’envie».
  • Prix Töpffer Genève: Frederik Peeters, en collaboration avec Pierre-Oscar Lévy pour «Château de sable».
  • Prix de la jeune bande dessinée de la République et canton de Genève: Pierre Schilling pour «Pain d’épices».
Édition 2009
  • Prix Töpffer international: Manuele Fior pour «Mademoiselle Else».
  • Prix Töpffer Genève: Valp pour «Ashrel, Dragon»,T1.
Édition 2008
  • Prix Töpffer international: Bastien Vivès pour «Le goût du chlore».
  • Prix Töpffer Genève: Patrick Mallet pour «Achab, Premières Campagnes», T2. Édition 2007
  • Prix Töpffer international: Dominique Goblet pour «Faire semblant c’est mentir».
  • Prix Töpffer Genève: Isabelle Pralong pour «L’éléphant».
Édition 2006
  • Prix Töpffer international: Manu Larcenet pour «Le combat ordinaire 3: Ce qui est précieux».
  • Prix Töpffer Genève: Non attribué.
Édition 2005
  • Prix Töpffer international: Pierre Wazem pour «Les scorpions du désert»,T4.
  • Prix Töpffer Genève: Macchia pour «The Beauty & New fashion hall».
Édition 2004
  • Prix Töpffer international: Jean-Claude Götting pour «La Malle Sanderson».
  • Prix Töpffer Genève: Aucun prix décerné.
Édition 2003
  • Prix Töpffer international: David B. pour «L'Ascension du Haut Mal»,T6.
  • Prix Töpffer Genève: Guillaume Long pour «Les sardines sont cuites».
Édition 2002
  • Prix Töpffer international: Blutch pour «Vitesse Moderne».
  • Prix Töpffer Genève: Helge Reumann pour «Bagarre».
Édition 2001
  • Prix Töpffer international: Joann Sfar pour «Le Minuscule Mousquetaire, L'Académie des Beaux-Art», T1.
  • Prix Töpffer Genève: Frederik Peeters pour «Pilules Bleues».
Édition 2000
  • Prix Töpffer international: Blain & David B. pour «Les Ogres».
  • Prix Töpffer Genève: Alex Baladi pour «Frankenstein encore et toujours».
Édition 1999
  • Prix Töpffer international: Pascal Rabaté pour «Ibicus», Livre 2
  • Prix Töpffer Genève: Nadia Raviscioni pour «La valise».
Édition 1998
  • Prix Töpffer international: Enki Bilal pour «Le Sommeil du monstre».
  • Prix Töpffer Genève: Pierre Wazem pour «Bretagne».
Édition 1997
  • Prix Töpffer international: Jacques de Loustal pour «Kid Congo».
  • Prix Töpffer Genève: Tom Tirabosco pour «L'émissaire».

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