Prix Töpffer Genève
Le Prix Töpffer Genève récompense le meilleur album réalisé par un·e Genevois·e. Trois artistes sont nominé·e·s chaque année. Le nom du lauréat·e est dévoilé lors de la cérémonie en décembre.
lauréate
Sarah André: Bande originale
Reprenant l’intégralité du texte d’une pièce de théâtre montée en 2021, Sarah André explique que le projet scénique s’est construit à partir d’une œuvre musicale commandée à Nicolas Stücklin: bande originale. Le titre est resté. Du spectacle, le dessin reprend également les masques créés à cette occasion pour les trois personnages incarnant métaphoriquement la force des liens tissés entre l’auteure et les deux autres comédiens de la compagnie Old masters. Réflexion désenchantée mais pleine d’humour sur le monde, ses hiérarchies ou sa violence, l’œuvre se déploie comme une déambulation onirique en noir et blanc alternant la fixité des trois personnages assis côte à côte et des envols, des rondes ou des scènes désordonnées. Ce petit conte philosophique propose d’interroger nos manières de vivre depuis la caverne quasi platonicienne où vivent les trois personnages qui font le pari de pouvoir modifier imperceptiblement notre réalité. On ne dira pas si le pari est gagné, mais sans doute, le temps d’une lecture, sera-t-il donné l’occasion de s’évader et de partager les valeurs fondamentalement égalitaires qui unissent des âmes sœurs.
Biographie
Née en 1984, Sarah André est diplômée de l'école cantonale d'art de Lausanne (2008). Par-delà sa spécialisation en arts visuels, elle construit sa pratique artistique en tant qu'auteure, scénographe ou illustratrice. Dès 2012, sous le nom de André André, elle publie ses travaux de dessin, posters ou albums, aux Éditions Ripopée (Nyon). Céramiste, elle a présenté ses créations à Genève en 2018 à Halle Nord lors d’une exposition intitulée Arrêtez de m'émouvoir avec toute cette eau.
Amoureuse du théâtre, elle travaille avec Chiara Petrini et Vincent Deblue au sein de la compagnie Rucksack Gogoplex dès 2013. En 2016, avec Marius Schaffter et Jérôme Stünzi, elle crée le collectif Old Masters, lieu de création théâtrale où écriture, matérialité des objets et art des masques participent d’un même projet. Ainsi les œuvres Fresque en 2017, l'Impression en 2018, et Le Monde en 2019 précèdent la production de la pièce Bande Originale par le Grütli et l’Arsenic en 2021, dont est issue la bande dessinée. Une exposition des planches de l’album est présentée au Théâtre Saint-Gervais à l’automne 2022.
Artiste aux multiples talents, elle s’associe à Yvonne et Lisa Harder en 2018, pour créer le trio vocal minimaliste Alice pour lequel elle compose et écrit des chansons.
nominé
Alex Baladi: Saturnine
Avec Saturnine, revoilà Baladi, primé dès l’an 2000 par les prix Töpffer! Revoilà l’indomptable, l’homme aux innombrables fanzines plus ou moins introuvables et auteur de près d’une cinquantaine d’albums. Revoilà l’homme qui explore SF, western ou aventures de pirates et qui prend goût aux îles inconnues, aux mondes sauvages pétris d’une humanité perdue. Baladi qui ne dédaigne pas les séries, poursuit ou prolonge en quelque sorte l’exploration lancée en 2019 avec Robinson suisse. Il déniche le très confidentiel Albert Robida (1848-1926), illustrateur prolifique, satiriste plus important qu’il n’y parait, qui publie en 1879, un roman – miroir amusé des utopies de Jules Verne – qu’il consacre à Saturnin Farandoul, Moïse laïc sauvé des eaux par des Orangs-Outans, puis retourné à la «civilisation» et dont on a fait l’ancêtre de Tarzan. Baladi qui annonce en couverture s’être «très librement inspiré» de l’œuvre de Robida, campe une héroïne dont la destinée s’écarte dès le chapitre V du roman au profit d’une narration où l’on retrouve la critique drôle et tragique du colonialisme républicain à la française, porteur de valeurs civilisatrices d’une grande violence. Une œuvre forte, identifiable au premier coup d’œil par le trait et la bichromie qui font l’identité de Baladi, et dont l’impressionnante postface de son compère Arnaud Robin enrichit magnifiquement le propos.
Biographie
Né en 1969, Alex Baladi est diplômé de la faculté des Lettres de l'Université de Genève et de l'École Supérieure d'Études cinématographiques de Paris. Il se fait connaitre par ses publications dans le mensuel Sauve-qui-peut (AtoZ). Il est récompensé à Genève pour Frankenstein encore et toujours en 2000 puis pour Autoportrait (2015) et Décris-ravage : décrire l’Empire ottoman autour de 1830 (2018). Créateur foisonnant, mélangeant les procédés et techniques (acrylique, gouache, papier découpé…), autoéditeur, co-créateur de la fabrique des fanzines, collaborateur de revues (Psikopat, Jade, Le cheval sans tête, PLG, Drozophile, Strapazin, bile noire, Lapin), il a été publié par nombre d’éditeurs indépendants comme Atrabile, la Cafetière, L’Association, B.ü.L.b. comix, Drozophile, Groinge, Mosquito, Les Requins Marteaux ou 6 Pieds sous terre.
Invité d’honneur de BDFIL à Lausanne en 2019, la revue du festival lui consacre un dossier inédit avec portfolio et complété par un essai bibliographique riche de 6 pages. (Bédéphile No 5, 2019, pp. 7-69).
nominée
Noémie Weber: Le Monde des animaux perdus
Qui n’a jamais été confronté durant l’enfance à voir jetés sans retour une peluche, un objet vénéré qui fait la risée de l’entourage: «À ton âge!», croit-on entendre. C’est à la pérégrination née de l’une de ces petites morts, l’un de ces drames intérieurs vécu par une petite fille de 8 ans que convie l’aventure du monde des animaux perdus. Comme tous les contes initiatiques, l’histoire se fait quête onirique, enchainement de rencontres avec des animaux où s’inversent les rapports traditionnels entre humains et monde animal. Cette plongée dans l’univers poétique d’Elsa la bien nommée, joue sur plusieurs registres: la volonté obstinée de la petite fille de ramener le poisson rouge qui écoutait en silence ses confidences, se nourrit à la fois des sentences irrémédiables et jouissives de l’enfance («il y a deux choses qui ne devraient pas exister: les grandes sœurs et l’école») et de la capacité de vivre ses rêves au rythme alterné des hexasyllabes et des octosyllabes, petite musique de la langue qui court tout au long de l’album. Une quête qui fera sans doute penser aux errances d’Alice au pays des merveilles, mais n’oblitère pas l’identité d’Elsa qui défend farouchement son statut de «petite fille ordinaire» auquel bien des enfants ou d’anciens enfants s’identifieront. Du rythme, de l’humour et une petite fille qui ne s’en laisse pas conter, précisément.
Biographie
Née en 1971 à Genève, passionnée très jeune par le dessin et la narration, Noémie Weber mettra du temps pour faire de sa passion, son métier. En 2007, elle décide de faire le pas après avoir découvert la formation proposée à Strasbourg par l’Iconograf en se rendant au festival d’Angoulême. Elle quitte alors son emploi de professeure de français au collège de Genève et suit les cours de l’école de bande dessinée strasbourgeoise. Durant cette période, elle remporte le concours jeunes talents du Festival européen de la bande dessinée Strasbulles 2009. Deux ans plus tard, en 2011, elle est lauréate Jeunes Talents au festival d’Angoulême. Elle publie dans la foulée un album jeunesse, Lulu, le petit mouton qui aimait la viande (2011). Par la suite, elle travaille comme illustratrice pour la presse jeunesse et publie en 2018 un premier album de bande dessinée: Junk Food Book, sélectionné pour les Pépites du salon du livre et de la presse jeunesse de Seine-Saint-Denis.