Portraits

Je n’ai pas besoin de…

Souvent au bout d’un long parcours, Deborah, Lucie, Eric, David, Roine et Muriel ont trouvé la force de se libérer des multiples injonctions sociales, morales, religieuses parfois, qui les empêchaient d’être iels-mêmes*. Iels nous racontent brièvement leur histoire, les raisons qui les poussent à prêter leur visage à cette campagne et affirment, haut et fort, que non, iels n’ont pas besoin de se conformer à la norme hétérosexuelle et cisgenre dominante pour s’épanouir. Nous les en remercions chaleureusement.

Geneviève Jacques Marie-Claire Claudette Lynn Jean-Pierre

Contact

Ville de Genève
Service Agenda 21-Ville durable
Guillaume Mandicourt
Chargé de projets LGBTIQ+
T. +41 (0)22 418 22 90
guillaume.mandicourt@ville-ge.ch

Deborah

Deborah: Je n’ai pas besoin de «faire un choix»

«Je m’appelle Deborah, j’ai 27 ans. Je sais depuis mes 14 ans que je suis bisexuel-le, mais j’ai réalisé tout récemment que je suis aussi bigenre. Cela signifie que j'aime autant les hommes que les femmes et que je me reconnais dans les 2 genres. Assumer cette double identité n’est pas toujours facile et seul-e-s mes ami-e-s proches sont au courant, ainsi qu'une infime partie de ma famille. J’ai souhaité participer à cette campagne pour dénoncer cette pression que subissent les personnes qui ne se reconnaissent pas dans cette double binarité de genre («femme» ou «homme») et d’orientation sexuelle (hétéro- ou homosexualité) que nous impose la société. Je veux envoyer un message d’espoir à toute personne qui découvre que son orientation sexuelle ou son identité de genre ne correspond pas aux «normes». Lui dire que nous sommes là pour l’aider et la soutenir dans son chemin vers sa pleine acceptation de soi, peu importe qui iel* est vraiment. Moi-même, je me sens homme et femme à la fois, je peux être attiré-e par les hommes comme par les femmes, et c’est très bien comme ça. Pourquoi devrais-je faire un choix?»

*le pronom «iel», combinaison de «il» et «elle», permet de désigner une personne non-binaire, bigenre, qui ne s’inscrit pas dans un genre défini ou dont le genre n’est pas connu.

Lucie

Lucie: Je n’ai pas besoin de vous «prouver qui je suis»

«Je m’appelle Lucie, j’ai 41 ans, et cela fait 5 ans maintenant que je m’assume en tant que femme transgenre et pansexuelle. C’est important de ne pas confondre ces deux termes. Le premier réfère à mon identité de genre et le deuxième à mon orientation sexuelle. «Pansexuel-le» est un terme qui inclut pour moi la multitude de genres existante, pas seulement «les femmes» et «les hommes». Je suis attirée par une personne, quelle que soit son identité ou son expression de genre. Je sors beaucoup et je rencontre beaucoup de gens. La transidentité étant aussi un sujet qui génère énormément de questions qui restent souvent sans réponses, je suis toujours disponible pour en discuter. C’est un moyen pour moi, à mon échelle, de participer à la visibilité des personnes transgenres et pansexuelles. Ce que je ne veux pas, c’est devoir, comme ça arrive parfois, me justifier, prouver que je suis une «vraie» femme ou que ma sexualité est aussi valable et respectable qu’une autre. Pour moi c’était important de participer à cette campagne pour dire : Je suis une femme et j’aime qui je veux. Tout le monde a le droit de s’accepter et de s’affirmer tel-le qu’elle, iel ou il est.»

Eric

Eric: Je n’ai pas besoin «d’attendre que ça passe»

«Eric, 29 ans, médecin, cisgenre* et gay. Comme l’obtention de mon diplôme, le chemin vers mon acceptation de soi n’a pas été un long fleuve tranquille et a duré 7 ans. Peu après le coming-out de ma mère à mes 13 ans, ma propre homosexualité est apparue. Toutefois, j’étais alors dans le milieu évangélique, où l’homosexualité est régulièrement décrite comme un «péché», une «abomination» ou une «maladie». Sans figure de référence positive (malheureusement pas même ma mère, ni ma belle-mère), j’ai refoulé ma sexualité, en «attendant que ça passe» et en priant pour guérir. Ce n’est finalement qu’à 21 ans, après un an de thérapie, que j’ai pu me réconcilier avec moi-même. Participer à cette campagne me permet de me tenir en pleine lumière là où, autrefois, je restais dans l’ombre. En tant que médecin et croyant, il me tient aussi à cœur d’affirmer que l’orientation sexuelle comme l’identité de genre ne sont ni des maladies, ni des péchés. Empêcher quelqu’un d’être soi-même, là est le péché, et il rend malade.»

* Le terme «cisgenre» désigne une personne qui s’identifie dans le genre qui lui a été attribué à la naissance.

David

David: Je n’ai pas besoin de «me faire soigner»

«Je m’appelle David et j'habite à Genève. J'ai eu plusieurs copines, avant de rencontrer un prêtre dont je suis tombé amoureux. Nous avons vécu un an ensemble. Pourtant, il maudissait notre relation. Pour lui, lors de chaque acte sexuel, nous commettions un péché, mais sa foi n'était pas assez forte pour «refouler» ses préférences sexuelles. Il prônait la conversion pour les personnes homosexuelles. Selon lui, un mariage hétérosexuel bien choisi, accompagné d’une solide pression familiale et sociale, aurait la capacité de réprimer, au moins en apparence, toute velléité de déplaire à Dieu. Avant de se suicider, il m'a encouragé à poursuivre dans cette voie. Mais était-ce vraiment la mienne? N'existait-t-il pas d'alternatives? Est-ce que j'avais besoin de «me faire soigner»? Je ne le pense plus. Les différentes orientations sexuelles font partie de la divine biodiversité des humains. Ma vie est désormais pavée de rencontres agréables, femmes ou hommes, et j'envisage de futures relations basées sur l'amour et pas sur le genre.»

Roine

Roine: Je n’ai pas besoin «d’être comme les autres»

«Je m’appelle Roine et je suis né en 1993 au Cameroun. Je suis non-voyant et je suis gay. Quand j’ai pris conscience de mon homosexualité, vers l’âge de 16 ans, j’ai consulté une psychologue, pour mieux comprendre et assumer le bouleversement existentiel que je vivais. Malheureusement, ma thérapeute a très vite orienté mon suivi vers une thérapie de conversion. Elle me disait que je n’étais pas «normal», que cela devait avoir un lien avec ma cécité et que je devais être guéri de mon homosexualité, notamment en ayant des relations intimes avec des filles. J’avais très peu de soutien de la part de ma famille qui considérait mon homosexualité comme «contre nature» et à l'encontre de nos coutumes et de notre culture. À partir de là, le harcèlement social et légal (l’homosexualité est punie par la loi au Cameroun) est devenu insupportable. Il y a 2 ans, je me suis expatrié en Suisse, où j’ai finalement fait une demande d’asile. J’ai une licence en communication, je suis entrepreneur, je suis un grand amateur d’art et de mode… mais la plupart du temps, on me définit seulement comme étant non-voyant, étranger, réfugié, noir et gay. J’ai renoncé à essayer d’être «comme les autres» et j’en suis fier, car je suis toutes ces identités et également tellement plus !»

Muriel

Muriel: Je n’ai pas besoin de «trouver le bon gars»

«Je m’appelle Muriel, j’ai 43 ans et je suis lesbienne. J’ai grandi dans une famille évangélique, l’éducation que j’ai reçue a eu un impact majeur sur ma vie. J’ai mis longtemps à m’extraire de cette pression qu’est l’hétéronormativité pour pouvoir m’accepter moi-même. Ce n’est qu’il y a deux ans seulement, après un long cheminement intérieur, que j’ai pu accepter et assumer mon orientation sexuelle et affective. En tant que femme homosexuelle, je fais face à une double discrimination, car on ne prend pas mon identité au sérieux. Les gens pensent souvent que si je suis lesbienne, c’est que je n’ai pas rencontré «le bon gars», celui qui pourrait me satisfaire!!! Certaines personnes disent également que «c’est du gâchis», que j’aurais pu rendre un homme heureux et avoir une famille, ou que je suis «bien trop féminine pour être lesbienne». Ces paroles sont très violentes. À la fois sexistes et homophobes.»